C’est dans une rue biscornue du XIIIe arrondissement de Paris qu’Adeline, petite brune de 32 ans aux lunettes rectangulaires, a rendez-vous. Cette jeune femme, agent de réservation chez un loueur de véhicule, a décidé de passer trois jours ici, dans un foyer de migrants. Un bâtiment où vivent plus de 300 hommes maliens et sénégalais qui ont décidé de quitter leur village pour venir travailler en France. Dans leurs difficultés du quotidien, le plus souvent administratives et de santé, une personne les conseille, les aide, les accompagne : Julie, l’intervenante d’action sociale. Au bout du long couloir de l’entrée où les résidents récupèrent leur courrier dans les boîtes rouges, se trouve son bureau. Une petite pièce aux murs crème et bleu, éclairée au néon et dont l’une des vitres donne sur le couloir, rendant ainsi la jeune femme disponible à tous ceux qui la croisent. C’est ici qu’Adeline va découvrir les bases de son futur métier.
Lassée par un job « confortable » qui ne lui ressemble plus, la jeune femme a décidé de reprendre ses études pour devenir animatrice socioculturelle, une profession en tout point semblable, ou presque, à celle de Julie. Mais avant de se lancer, Adeline avait « besoin d’une confirmation ». Elle a alors fait appel à une agence d’immersion (1), un organisme qui propose à qui le souhaite de tester l’emploi rêvé avant de s’engager. « Au service client, j’ai toujours été en contact avec des gens mécontents, raconte-t-elle. Aujourd’hui, j’aimerais porter assistance à des personnes qui en ont besoin, j’aimerais me sentir utile. » Après un bilan de compétence réussi, elle prépare un dossier pour entrer en DUT Carrières sociales, mais on lui reproche de manquer d’expérience. « J’avais travaillé il y a 5 ans au centre d’action sociale de la ville de Paris en tant que vacataire de trois mois, mais à l’époque je n’étais pas prête, se souvient-elle, je trouvais ça trop lourd à gérer : nous nous occupions de l’hébergement d’urgence de SDF dans des situations très difficiles. Aujourd’hui, je vois plutôt le côté positif de tout ce que je pourrai leur apporter. »
Dans la petite pièce au néon, la journée commence par une brève présentation de Coallia, l’association qui gère la résidence. Puis Julie ouvre son ordinateur et dévoile un tableau Excel, bilan des démarches qu’elle accomplit au quotidien. « Mais vous vous occupez aussi des personnes qui viennent de l’extérieur ? », demande Adeline, quelque peu impressionnée par l’ampleur de l’administratif, tout en prenant consciencieusement des notes sur le « carnet de l’explorateur » remis par l’agence d’immersion (2). « Non, enfin, je ne peux les aider que sur l’AME (Aide médicale de l'État, ndlr) », répond la jeune intervenante d’action sociale, avant de dissiper toute inquiétude avec les photos de son dernier forum d’informations, un événement bien plus représentatif des futures fonctions d’Adeline. Des images sur lesquelles on distingue, derrière les stands des partenaires de santé venus sensibiliser les résidents, l’ambiance qui régnait ce jour-là, autour du barbecue organisé dans la cour du bâtiment.
En milieu de matinée, les collègues d’un jour rejoignent la salle de pause. Une pièce où l’on a installé un poste de radio, une série de tasses dépareillées et un vestiaire où a été placardée cette devise, comme pour ne pas l’oublier : « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe ». Elles y retrouvent Gérald, le responsable d’hébergement. Lui aussi est un « reconverti », un ancien métallurgiste syndiqué depuis toujours, qui a fait de son engagement son métier après un licenciement économique. Autour d’un café, Adeline s’ose alors à des questions plus délicates sur les possibilités d’embauches et d’évolution de carrière, sur la grille de salaires et le contrat de travail. Gérald se veut rassurant : de tous les stagiaires qu’il a vu passer ici, aucun n’a changé d’avis. Mais il émet tout de même une réserve : « Ça pourrait arriver, si l’on confond par exemple ce métier avec du bénévolat. Et puis il faut aussi connaître ses limites, sa capacité de travail, sinon vous ne tiendrez pas. »
Avant de retourner dans le petit bureau au bout du couloir, Julie propose une visite des locaux. Adeline découvre alors une ville dans la ville. A l’étage, les chambres. Au rez-de-chaussée, un couturier, un coiffeur, une salle d’alphabétisation. Au sous-sol, un café et une cantine où les résidents saluent Julie et « la nouvelle ». Maintenant que les présentations sont faites, Adeline va pouvoir commencer à travailler. Mais il ne lui reste déjà plus que deux jours et demi pour tisser des liens, assurer la permanence sociale avec Julie, et surtout pour prendre une décision quant à son avenir. A la fin de cette première matinée, la jeune femme est confiante, et n’a pas oublié ses motivations : « Jusque-là, ma priorité, c’était d’avoir suffisamment de souplesse pour m’occuper de mes enfants, explique-t-elle. Aujourd’hui, j’ai envie de penser à ma vie professionnelle. La prochaine étape pour moi c’est la reprise d’études, en septembre 2014… Enfin, si cette session a confirmé ma vocation ! »
Mission accomplie. Nous avons rappelé Adeline après son immersion, et c’est désormais une certitude pour elle : dans trois ans au plus tard, elle sera animatrice socioculturelle.
(1) Le stage d’immersion peut être pris en charge par le DIF (le droit individuel à la formation)
(2) Voir le site de Viametiers
Crédit photo : Brand X Pictures
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