Le bomeur, néologisme né de la contraction des termes « bobo » et « chômeur », a fait son apparition sur le web il y a quelques semaines par l'intermédiaire d'un Tumblr du même nom. Son auteur, Nathanaël Rouas, un directeur de création au chômage, y dresse le portrait de ce nouveau spécimen à travers un récit autobiographique et « sociobranlodémographique » (c'est lui qui le dit). Sur son blog, il nous propose entre autres de découvrir l'emploi du temps hebdomadaire du bomeur, élaboré à base d'expos, de restos et de boutiques éphémères. Mais dans un pays où 22,7% des jeunes sont au chômage, la vanne - récit des tribulations d'un microcosme privilégié - n'est pas du goût de tous.
Nathanaël Rouas tient à le rappeler : c'est bien d'humour dont il s'agit - de bon ou de mauvais goût, on vous laisse en juger : « C'est juste un blog marrant. Les traits sont forcés, évidemment, pour provoquer. J'espère simplement que le bomeur permettra à des chômeurs de décomplexer, surtout quand on leur dit qu'ils sont des assistés. J'ai fait ce Tumblr pour que cette situation soit plus cool, plus facile à assumer, c'est tout ». À l'image de Benetton qui a demandé à de jeunes demandeurs d'emploi de poser pour sa dernière campagne ? « Oui, je me suis dit que j'avais visé juste : enfin une marque s'intéresse à ces trois millions de personnes, à qui l'on ne s'adresse jamais. En revanche, je n'ai jamais dit que le chômage était branché. Je ne l'ai pas choisi, je n'ai rien demandé. Ce ne sera jamais une tendance. Le bomeur, c'est juste une carapace, pour se prouver que l'on vit encore socialement. »
Derrière la blague se cacherait-il un phénomène de société ? Non, pour Serge Guérin, sociologue du travail, « le problème, c'est que ce blog n'est pas représentatif des chômeurs qui, pour la plupart, ont des revenus inférieurs à ceux de l’auteur ». Mais, le bomeur poserait en revanche une (bonne) question : « Le chômage fait aujourd'hui partie de notre parcours professionnel. Nous le connaîtrons tous ou presque au moins une fois dans notre vie. Comment donc inventons-nous ces temps de pause ? Faut-il travailler plus longtemps mais de façon morcelée ? Repenser la formation au cours de la vie ? » Une interrogation d'autant plus pertinente que cette période sans emploi, si l'on en croit le bomeur, n'est plus synonyme d'opprobre social (et c'est une bonne nouvelle).
« L'autre question, continue le sociologue, est effectivement de savoir comment les chômeurs sont représentés dans la société. C'est d'autant plus compliqué qu'il s'agit d'une population transitoire : on ne reste pas sans emploi toute sa vie. C'est une période hors norme qu'il est encore malheureusement très difficile de valoriser. » Et si, justement, le bomeur répondait tout simplement à cette difficulté en s'offrant un CV ultra-médiatisé ? À en croire les nombreuses propositions dont Nathanaël Rouas fait aujourd'hui l'objet, il semblerait que oui. Le bomage, pour lui, est bientôt terminé.
Crédit photo : Facebook/Nathanaël Rouas
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