Viviane de Beaufort : Je fréquente beaucoup de femmes dirigeantes, j’ai remarqué que beaucoup n’utilisaient jamais le mot « ambition », et encore moins accolé au terme « personnelle ». Je me suis alors demandé s’il ne s’agissait pas d’un tabou qu’elles n’osaient pas assumer. Résultat, pour la très grande majorité de ces femmes, la volonté d’accéder au pouvoir existe mais toujours sous la condition de faire « quelque chose de bien ». Plusieurs d’entre elles ont parfois refusé des postes importants, simplement parce que la mission ne leur convenait pas. Elles cherchent du sens, elles cherchent à s’enrichir, à progresser aussi. Et cela ne veut pas dire qu’elles ont peur du pouvoir, elles ont simplement l’impression que les luttes d’égo sont sans intérêt… Le problème, c’est qu’elles ont tendance à s’en désintéresser et vont même jusqu’à être dans des stratégies d’évitement.
V. d. B. : Je ne pense pas pour autant qu’elles agissent ainsi parce qu’elles sont des femmes mais parce qu’elles ont été longtemps minoritaires. On observe les mêmes choses chez les minorités ethniques : elles ont plus d’aptitude au changement, elles ont une autre vision du pouvoir parce qu’elles ont eu du mal à y accéder. Mais sur ce point, il y a aussi une vraie différence générationnelle. Pour s’imposer, pour faire entendre sa voix dans un groupe, on considère qu’il faut en représenter 30%, en dessous de ce chiffre soit l’on disparaît, soit l’on se conforme. C’est ce qui s’est passé avec la première génération de femmes dirigeantes, qui ont une approche du pouvoir semblable à celles des hommes. Aujourd’hui, les femmes s’imposent et peuvent apporter leur valeur ajoutée.
V. d. B. : Sur ce point, il y a de grandes différences culturelles. Les Françaises disent qu’elles n’ont pas d’ambition, qu’elles sont arrivées là un peu par hasard ou parce qu’on les y a poussées. Les Anglo-saxonnes, elles, qui ont bénéficié d’une politique de diversité et de mixité bien plus tôt dans leur pays, sont beaucoup plus décomplexées. Quand on interroge les Françaises sur les notions d’influence ou d’autorité, elles y voient toujours une connotation très négative : en somme du trafic d’influence ou de l’autoritarisme. Alors que lorsqu’on utilise le terme anglais de leardership, elles se sentent plus à l’aise, cela leur pose moins de problèmes. Les femmes françaises ont du mal à assumer leurs ambitions…
V. d. B. : Oui, mais il existe là encore une réelle différence de générations. Les plus jeunes exercent, en effet, un management différent, plus collectif. Les femmes s’entourent d’une équipe, acceptent la contradiction, ont un rapport moins vertical du pouvoir. Elles ont aussi une aversion pour le risque, ce qui jusque-là était perçu comme un handicap mais qui est aujourd’hui, en période de crise, vu comme un atout. Enfin, les femmes ont une approche à moyen et long terme : elles prennent des décisions dans la durée. Je pense que cela s’explique par la transmission de génération plus forte chez les mères, parce que ce sont elles qui donnent la vie. Les hommes eux, prendront plus facilement des décisions « testostéronées », sur un coup de tête. Et cette approche est plutôt un atout pour les femmes, car c’est aujourd’hui ce que l’on attend des leaders de demain.
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