450 candidats, puis 20, puis 3, puis elle. Et « elle », ce n’est pas n’importe qui. Cristeta Comerford est non seulement chef à la Maison Blanche, soit le marmiton attitré de l’homme le plus puissant du monde, mais en outre, la première femme et première membre d’une minorité à occuper ce poste dans l’histoire des États-Unis. Ce qui, tout le monde le reconnaîtra sans mal, forge un destin assez exceptionnel. Invitée de l’émission Leading Women sur CNN International, cette quinquagénaire - que l’on devine sérieuse et minutieuse en toute occasion - revient donc sur son parcours pour le moins insolite. Née à Manille, capitale des Philippines, Cristeta Comerford arrive aux États-Unis à l’âge de 23 ans. Après avoir suivi des études universitaires portant sur la technologie alimentaire, la jeune immigrée entend bien vivre de sa passion et commence d’emblée dans un lieu prestigieux, le Sheraton Hotel situé près de l’aéroport de Chicago. On peut connaître pire départ, il n’empêche…
Une clientèle d’hommes et de femmes d’affaires, aussi exigeante qu’impatiente ? De quoi vous mettre d’emblée dans le bain et vous affermir dans ce milieu professionnel, que l’on sait très masculin et pas toujours bienveillant. Le fait est, idéalement lancé, le parcours professionnel du chef Comerford la conduit très vite à prendre des responsabilités en cuisine : toujours dans l’hôtellerie haut de gamme, puis à la tête de deux restaurants à Washington DC. Une trajectoire ascendante et rectiligne qui ne passe pas inaperçue, puisqu’elle entre comme à la Maison Blanche comme sous-chef à seulement 33 ans. « Cela a été pour moi un parcours véritablement fascinant. Cuisiner pour la première famille et pour le Président des États-Unis d’Amérique, offre une telle leçon d’humilité. Jamais je n’aurais pensé en être ici aujourd'hui », reconnaît-elle ainsi.
Entrée au service du couple Clinton, c’est Laura Bush qui va irrémédiablement bouleverser sa vie. En 2005, après 10 ans de services auprès de la présidence, la Première dame la promeut au rang de chef cuisinier exécutif. Plus qu’une promotion, une entrée dans l’histoire, le summum d’une carrière ?
L’art de savoir enchaîner les cols
Fière mais se refusant à toute complaisance, Cristeta Comerford rejette l’idée d’un revers de main. S’endormir sur ses lauriers, très peu pour elle. « On ne devrait pas parler de sommet lorsqu’il s’agit de carrière car cela implique donc une descente une fois celui-ci atteint. Il s’agirait plutôt de parler de ce que vous accomplissez à un moment bien particulier. Si Dieu vous a mis à cet endroit, c’est qu’il y a une raison », raisonne-t-elle. Et de rappeler à son interlocutrice qu’il lui reste bien du chemin à parcourir, avant de prendre le temps de se retourner sur ce qui fut accompli, question de tempérament. « Peut-être que dans dix ans, lorsque je prendrai ma retraite, je m’engagerai
dans des activités de bénévolat et qu’en aidant les autres, il s’agira d’un nouveau sommet. Ainsi, toute action que vous réalisez à un instant donné peut être considérée comme un sommet. »
Or, comme en atteste la suite de l’entretien, si sa manière d’appréhender la vie professionnelle fait de l’abnégation un maître mot, elle n’en est pas moins pondérée, évitant la caricature de « working girl » prête à tout pour réussir. « Dans la vie, les choses que vous voulez plus que tout au monde, peuvent se réaliser. C’était bon pour moi de devenir chef exécutif de la Maison Blanche […] Mais, si cette porte s’était fermée, d’autres se seraient ouvertes. Il faut en être consciente, je ne laisse jamais le doute me détourner de ma progression.» Une sérénité qui se ressent dans sa façon de manager sa brigade en cuisine et ce, malgré une pression évidente à ce poste. « J'ai trois talentueux sous-chefs sous mes ordres. Un chef pâtissier très doué. Je dois donc m’assurer que chacun de ces talents soit utilisé à sa juste valeur », témoigne le chef Comerford.
Et de préciser : « Je dois donc veiller à utiliser toutes les ressources disponibles et les orchestrer de manière à ce que, au fur et à mesure de la préparation, se révèle une très belle composition - un repas bien cuisiné et très bien équilibré […] le tempérament compte beaucoup pour être chef à la Maison Blanche. Il ne s’agit pas seulement de vos connaissances, de vos compétences ou de la façon dont vous cuisinez. La façon dont vous traitez les gens est très importante. La façon dont vous déléguez votre travail également. La façon dont vous parvenez à créer une cohésion dans votre équipe afin d’accomplir votre mission et que les résultats soient ceux que vous escomptiez. » Un sens du leadership qui, à en croire, trois familles de présidents bienheureuses, porte ses fruits. De là à imaginer que Barack Obama descende en cuisine pour s’en inspirer, l’idée ne paraît pas si saugrenue…
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