Et si le sexisme en entreprise et la difficulté de concilier vie privée et vie pro n'étaient pas les seules explications au plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder, au même titre que leurs homologues masculins, aux postes à responsabilités ? Dans un rapport intitulé Everyday Moments Of Truth: Frontline Managers Are Key To Women's Career Aspirations et rendu public en novembre, Julie Coffman et Bill Neuenfeldt, deux consultants du cabinet Bain & Company estiment que le manque d'ambition des femmes est l'une des raisons pour lesquelles les femmes accèdent encore aujourd'hui si peu aux postes de direction.
Se basant sur un sondage réalisé en mars 2014 auprès de 1 000 salariés travaillant dans le public, le privé, au gouvernement et des organismes à but non-lucratif, les deux chercheurs ont mis en lumière un phénomène intéressant : lors de leur entrée sur le marché du travail, ce sont les femmes qui s'avèrent être les plus ambitieuses. 43% d'entre elles briguent alors un poste de manager, contre 34% des hommes. Mais cette tendance s'inverse après deux années passées dans le monde de l'entreprise : seules 16% des femmes interrogées veulent alors toujours devenir cadres supérieurs.
« Une des grandes révélations de l'enquête est que les hommes comme les femmes entrent dans le monde du travail avec des niveaux d'ambition équivalent - notre expérience montre même que les femmes aspirent davantage à accéder à des postes directionnels », explique Julie Coffman au Huffington Post. « Mais nous voyons aussi qu'à mesure qu'elles acquièrent de l'expérience, les femmes se montrent moins ambitieuses. D'une certaine manière, elles ont l'impression d'avoir effectivement moins d'intérêt à briguer les plus hauts postes alors que les hommes ne semblent pas avoir ce genre de préoccupation. »
Comment expliquer cette soudaine baisse d'ambition chez les femmes ayant déjà acquis de l'expérience au sein de leur entreprise ? On pourrait s'attendre à ce que cette baisse d'appétence pour les postes à responsabilités coïncide avec leur envie de fonder une famille. Mais les résultats de l'étude montrent que le souhait d'avoir des enfants n'a en réalité pas d'incidence sur l'ambition des femmes. En revanche, le rapport expose trois facteurs qui affectent l'avancement de leur carrière.
Selon le rapport, beaucoup de femmes ne se retrouvent pas nécessairement dans les valeurs et les idéaux encouragés par leur entreprise. « Cette idée de mettre toujours en avant le "nous", de prendre les clients aux profils les plus prestigieux ou de networker habilement est moins motivant pour les femmes », estime Julie Coffman. « Elles ne se sentent pas capable d'être cette personne et pensent que le profil du leader à succès est peut-être trop limité. »
Selon le rapport, la présence d'un supérieur qui cherche à aider les employés à développer leur carrière est importante pour les salariés interrogés, et en particulier auprès des femmes. Évidemment, notent les chercheurs, sentir que l'on a le soutien de son manager est aussi important pour les hommes, mais son absence ne semble pas les affecter autant.
C'est l'une des conséquences du plafond de verre : encore trop peu habituées à voir des consœurs occuper des postes à responsabilités, les femmes ne parviennent pas à se projeter dans le rôle de leader car elles n'ont pas de modèle auxquels se référer.
« À mon avis, beaucoup de femmes sont à la recherche d'un rôle modèle qui n'existe pas. Il y a très peu de femmes qui occupent des postes de haute direction. Aussi chercher une femme du même niveau social qui a réussi à faire carrière, est originaire de la même ville ou qui a étudié dans la même école, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. À la place, il vaut mieux prendre pour modèle un collectif d'individus qui ont des compétences dans des domaines différents et incarnent, selon vous, les différents facettes du leadership que vous recherchez », conseille Julie Coffman.
>> L'ambition au féminin est-elle encore un vilain défaut ? <<