Mais que pense vraiment la Silicon Valley des femmes bossant dans le secteur des nouvelles technologies ? C'est la question à laquelle l'hebdomadaire Newsweek a tenté de répondre. Dans son numéro à paraître le 6 février prochain, le magazine d'actualité généraliste consacre une vaste et minutieuse enquête au sexisme ambiant régnant au paradis des geeks et creuset du high-tech aux États-Unis, la Silicon Valley.
Régulièrement épinglé pour sa réticence à embaucher des femmes à des postes à responsabilité et récemment théâtre de sordides affaires de harcèlement sexuel (citons les accusations à l'encontre du boss Tinder et celui de Snapchat), le secteur des nouvelles technologies est une fois de plus mis à l'amende par Newsweek, qui, de but en blanc, explique que le problème des femmes, c'est de « ne pas avoir de pénis ».
« Les noms légendaires de la Silicon Valley sont bien connus, et ce sont pour la plupart des hommes qui ressemblent à ça : geek, jean et tee-shirt, éventuellement avec un sweat à capuche, parfois rasé, qui a souvent arrêté la fac parce qu'il code le plus souvent depuis la puberté dans la cave de ses parents et finit avec des millions en poche », résume Newsweek, qui donne ensuite la parole à deux programmeuses qui ont fait les frais du climat sexiste régnant dans l'Eldorado du high-tech.
Fondatrices de Glassbreakers, Lauren Mosenthal et Eileen Carey racontent avoir été les victimes du climat « misogyne » et « incroyablement arriéré » régnant dans les couloirs de plus grosses boîtes informatiques où l'on organise, explique Newsweek, des « entretiens gang-bang », c'est-à-dire des sessions de recrutement « spécialement conçues pour attirer les filles les plus chaudes du campus ». Et de raconter plus loin qu'il n'est pas rare que des geeks pas très fins envoient des photos d'étudiantes dénudées en même temps que leur CV pour capter son attention.
Newsweek pointe aussi du doigt la misogynie des dirigeants des boîtes de la Silicon Valley qui n'hésitent à « licencier des femmes cadres qui ont tweeté les remarques sexistes dont elles faisaient l'objet alors que les blagues misogynes fusent sur le même réseau quand on impose un code de conduite dans les entreprises pour mettre fin au harcèlement ».
Si l'initiative de Newsweek, en réalisant une enquête fouillée sur le sexisme ambiant dans l'univers du high-tech est évidemment louable, subsiste toutefois un problème de taille : la couverture choisie par l'hebdomadaire pour illustrer son article, qui représente une jeune femme sans visage tenant un ordi portable entre ses mains et dont un curseur soulève la jupe pour voir ce qu'il y a dessous.
Depuis la publication de la Une de Newsweek, jeudi dernier, l'hebdomadaire fait l'objet de sévères critiques de la part des internautes, mais aussi du milieu high-tech, qui lui reproche de renforcer les stéréotypes de genre qu'il entend dénoncer.
« Représenter les femmes dans le secteur du high-tech par une femme sexualisée et sans visage, ce n'est pas leur rendre service, note Alexia Tsotsis, journaliste à Techcrunch. C'est simplet et réducteur. Nous avons travaillé si dur pour élargir la portée de ce que nous pouvons être dans la Silicon Valley, et dans le monde entier, et voici que Newsweek nous enferme à nouveau dans une case et balaie douloureusement tous les progrès que nous avions jusqu'ici remportés. »
Crédit : Bryce Durbin pour Newsweek
@stevekovach it's kind of like doing a story about rape & having the cover image be a cartoon with a victim handcuffed to a bed
— Carmel DeAmicis (@carmeldea) 28 Janvier 2015
« C'est comme écrire un article sur le viol et mettre en Une un dessin avec une victime menottée au lit. »
Go home @Newsweek you're drunk/desperate/inappropriate/offensive RT @jimpoco: This week's cover. pic.twitter.com/KEq5hAZal5
— megan quinn (@msquinn) 28 Janvier 2015
« Rentre chez toi, Newsweek, tu es ivre/désespéré/à côté de la plaque/offensant. »
. @caseyjohnston a constant source of failure to see the actual problem by being part of the problem. @Newsweek you are the enemy.
— Kal Of The Rathi (@KalOfTheRathi) 28 Janvier 2015
« Une source permanente d’échecs pour voir les véritables problèmes, en devenant vous-même une partie du problème. Newsweek, vous êtes l’ennemi. »
Malgré les violentes critiques dont elle fait l'objet, la couverture de Newsweek a toutefois ses défenseurs. Comme le journaliste du Daily Beast (qui appartient au même groupe de presse que Newsweek), qui explique « trouver malheureux, léger et franchement mesquin que celles et ceux qui critiquent la Une semblent plus choqués par une image que par ce comportement qui imprègne la culture de la Silicon Valley ».
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