Un supérieur peut-il lire un document personnel enregistré sur un ordinateur/téléphone professionnel ?
La vie privée du salarié sur son lieu de travail, sur ses heures de travail, a été consacrée en jurisprudence : il est interdit à l’employeur de lire des documents et messages du salarié identifiés comme « personnels » dans un outil informatique professionnel, même si l’employeur a interdit toute utilisation personnelle de ces outils.
Comment savoir si le mail ou les documents concernés relèvent de la vie privée du salarié ?
En général, les juges recherchent en premier lieu si les fichiers ont été identifiés comme « personnels » par le salarié (nom d’un dossier, apparence du fichier, objet d’un mail…). La Cour de cassation a jugé que « la seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel ».
L’employeur peut-il s’appuyer sur des contenus personnels pour justifier un licenciement ?
Dans une affaire, un salarié avait envoyé à son collègue un e-mail qualifié « d’insultant et de méprisant à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques ». Les tribunaux ont jugés que l’employeur n’aurait pas dû licencier ce salarié car cet e-mail, de surcroit privé, n’avait « causé aucun trouble objectif caractérisé dans l’entreprise ».
Un employeur peut-il utiliser des contenus privés contre l’employé, publiés sur des supports appartenant à la sphère privée tels que Facebook… ?
L’employeur ne peut se fonder sur le contenu d’une correspondance privée pour sanctionner le salarié. Attention aux propos qui, diffusés, ne relèvent plus de la sphère privée et peuvent donc entraîner un licenciement s’ils portent atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise.
On a vu de nombreux cas où des salariés ont été licenciés après avoir critiqué ou injurié leurs employeurs sur Facebook. Le statut des réseaux sociaux n’est pas clairement défini : ni blog ni messagerie, le « mur » serait un espace privé ouvert au public. Compte tenu de cette difficulté d’apprécier le caractère public ou privé d’une publication, le risque de publier sur les réseaux sociaux doit conduire les salariés à la plus grande vigilance.
Une entreprise peut-elle surveiller les mails des employés envoyés depuis leur messagerie professionnelle ?
La limite au droit de contrôle de l’activité des salariés pendant le travail par l’employeur est la dissimulation. Les jugent considèrent que « l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité des salariés pendant le temps de travail ; que seul l’emploi d’un procédé clandestin de surveillance est illicite ».
Dans quelles mesures peut-on utiliser un téléphone professionnel à des fins personnelles ?
La possibilité d’un usage personnel du téléphone professionnel est reconnue dans la mesure où celui-ci demeure raisonnable ; le caractère répété d’un tel usage, ou sa durée, peut légitimer une sanction.
L’employeur peut contrôler l’usage du téléphone professionnel des salariés (n° d’appel, durée, coûts), sans être obligé de les informer de la mise en place des procédés de surveillance. En revanche, il ne peut pas écouter ou enregistrer les conversations téléphoniques des salariés sans leur consentement ; une telle pratique est punie pénalement. Il a cependant été jugé que si les salariés en ont été informés, l’employeur peut utiliser des écoutes pour justifier un licenciement.
Cette pratique du « Bring Your Own Device » ou « Apportez votre propre appareil » s’implante depuis plusieurs mois dans le monde du travail, et les entreprises doivent nécessairement s’adapter à cette évolution.
En effet, cette pratique n’est pas sans risque, notamment en termes de :
- Sécurité des données de l’entreprise stockées sur l’appareil (intrusion frauduleuse, fuite de données, dissémination de virus, accès non autorisé au réseau)
- Responsabilité en cas de destruction, vol ou perte de l’appareil
- Vie privée : extension du travail au-delà des heures de bureau (contraintes et stress supplémentaires)
Il faut alors établir des conditions de sécurité pour le salarié, préciser ce qui relève de la vie personnelle ou professionnelle, les modalités de contrôle et les sanctions encourues, la propriété des données stockées sur l’appareil… Il est également important de compléter sa charte informatique et de modifier le règlement intérieur et les contrats de travail.
Réalisé avec l'aide de Claudia Weber, avocate spécialisée en NTIC (informatique, internet, données à caractère personnel, propriété intellectuelle), associée et fondatrice du cabinet IT LAWAvocats.
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