En mai 1996, deux équipes concurrentes d’alpinistes, guides chevronnés et clients payants, visaient le sommet de l’Everest. Elles y sont parvenues, mais en violant une règle primordiale et connue de tous : la « règle de deux heures ». Le jour de l’assaut final, il faut impérativement commencer à redescendre avant deux heures de l’après-midi, que le sommet soit atteint ou non. Au-delà, le risque vital augmente dramatiquement (fatigue, manque d’oxygène, mauvais temps). Le sommet fut atteint, mais les équipes ont été prises par la nuit et bloquées par la tempête à la descente. Huit alpinistes, dont les deux guides leaders, sont morts.
Cet exemple illustre les pièges de la cohésion d’équipe, force qui pousse ses membres à rester unis pour atteindre un objectif commun. Facteur d’efficacité indéniable, elle peut parfois avoir des conséquences négatives. Quels sont les pièges à éviter ?
L’attachement excessif à l’objectif de l’équipe
Lorsque la cohésion d’équipe est forte, les membres peuvent être tellement focalisés sur l’objectif de l’équipe qu’ils négligent les objectifs plus globaux (de l’entreprise, de la survie de l’équipe).
A l’Everest, l’objectif des deux chefs d’expédition était de conduire leurs clients jusqu’au sommet, pour honorer leur contrat. Tous les membres de l’équipe y étaient si attachés qu’ils n’ont pas fait demi-tour à temps, au détriment d’un objectif plus fondamental : survivre.
Les membres d’une équipe confrontée à des situations de risque cherchent à privilégier la cohésion de l’équipe et la bonne entente entre ses membres. Remettre en cause les options choisies est difficile dans ce contexte. Cette « pensée de groupe » peut conduire à laisser de côté toute analyse critique de la situation, et c’est particulièrement le cas lorsque le leader est fort.
A l’Everest, personne ne s’est opposé à la poursuite de la progression vers le sommet après l’heure limite. Il y avait un consensus autour de l’idée qu’il fallait absolument l’atteindre. Des guides pourtant expérimentés ont reconnu ensuite qu’ils s’étaient auto-censurés, pour ne pas contredire le leader ni entraver cette quête du sommet.
Ce phénomène est-il limité à l’alpinisme ? L’explosion en vol de la navette Challenger, par exemple, peut aussi s’expliquer par la « pensée de groupe ».
Dans les entreprises comme en politique, le succès repose souvent sur la cohésion autour d’un leader charismatique. Mais il est important que le rassemblement autour d’un objectif commun ne tue pas l’esprit critique !
Pour aller plus loin
J. Krakauer (1997) Into Thin Air, Anchor Books
L. Janis (1983) Groupthink, Boston: Houghton-Mifflin
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