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Les cours d'improvisation : se révéler dans l'abandon
Publié le 2 mars 2012 à 17:13
Par La rédaction
Retraité, étudiant, demandeur d’emploi, fonctionnaire, médecin, informaticien, chef d'entreprise ou même strip-teaseuse, les amateurs de sensations fortes qui se pressent aux cours de l’Ecole française d’improvisation théâtrale (EFIT) à Paris composent une joyeuse troupe tout aussi agitée que bienveillante. Plongée dans un univers de liberté et de plaisir, où l’énergie collective puisée à la source d’une écoute généreuse parvient à déplacer des montagnes.
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20h, un mardi soir de février, au 35 rue Saint-Roch, dans le 1er arrondissement de Paris. Alors que l’air s’est soudain rafraîchi, une dizaine de personnes est réunie devant la porte massive d’un vieil immeuble imposant. Entre éclats de rire et franches embrassades, on saisit à la volée un « Bon cours, les Roses ! », « Amusez-vous bien les Blancs ! ». Un langage curieux qui mêle son étrangeté aux effluves de bois ciré d’un escalier qu’on gravit à la hâte. Dans la salle de cours, les élèves sont déjà en train d’enfiler leur tenue, la même pour tous, afin d’« effacer les différences socio-culturelles », explique Esteban Perroy, le fondateur de l’Ecole française d’improvisation théâtrale (EFIT) et formateur du cours. Ce sera donc T-shirt blanc assorti du logo de l’école et pantalon de survêtement noir. Les portables éteints, les sacs rassemblés dans un coin, la quinzaine de personnes (moyenne d’âge, 35 ans) forme un cercle pour une petite séance d’échauffement indispensable aux 3 heures éprouvantes qui les attendent. « L’impro, c’est comme un sport collectif. C’est une performance physique, si je sors d’un cours essoufflé et que j’ai transpiré, je me dis que j’ai donné », assure Damien, 36 ans dont trois d’impro.

« Il faut casser des murs, des réticences, des peurs »
« SSOOphie ! », « SSYlvain ! », « EEric ! », « MMicha ! », chacun clame haut et fort son prénom (ou son pseudonyme) et projette le son le plus loin possible en cherchant l’énergie au fond du ventre. Affirmer sa présence, sentir le souffle circuler dans son corps, goûter l’instant au-delà de la peur du ridicule. Puis c’est la série des grimaces lancées à la barbe du voisin. « Allez-y ! Lâchez-vous ! N’ayez pas peur de la laideur ! », tonne Esteban. L’impro relève à la fois de la jouissance et du combat. « ll faut casser des murs, des réticences, des peurs. Il faut oser se jeter à l’eau ; se dire qu’on a droit à l’échec, et au succès aussi », confie Damien. S’évader de la prison du « je » social n’est pas toujours aisé, comme le raconte Sylvain, 40 ans, introverti de nature. « Il ne faut pas réfléchir, il faut ressentir, c’est ça la difficulté ; il y a une dimension de lâcher prise ». Pour préparer les élèves aux histoires qu’ils improviseront tout à l’heure en binôme, Esteban leur demande de marcher dans la pièce en proférant un mot sur lequel doit rebondir instantanément le voisin, en suivant la fulgurance de son imagination. C’est la première étape de la construction si délicate de l’écoute, sans laquelle l’improvisation est vouée à l’échec. L’occasion aussi, pour Esteban, de tester sa classe. Il faut voir avec quelle acuité il palpe le groupe, comment il saisit en une minute la fatigue d’untel, les tracas d’une autre, et mesure l’énergie qui circulera dans la salle jusqu’à 23h15.

Explorer l'imagination à plusieurs
Au centre du cercle, deux personnes se détachent et entament une improvisation. Tout part de l'intention de jeu d'un premier élève qui décide, par exemple, de mimer un coureur cycliste, ou de se plonger dans la peau d'un homme préparant dans son jardin le barbecue dominical. Après un temps plus ou moins long d'observation (il n'est pas toujours évident de comprendre où l'autre veut en venir !), le second joueur se greffe à l'embryon d'histoire. Il pourra être l'ami qui prodigue des conseils sur l'achat d'une selle de vélo, ou la voisine intriguée par l'odeur de la viande qui cuit de l'autre côté de la haie. « Ce que je trouve génial, c’est quand on est parti d'un thème tout bête et qu'on a réussi à en tirer à deux une histoire qui a tenu la route, qui a fait rire ou qui a ému », résume Damien. Pour lui, la vraie satisfaction réside dans « l'exploration de l'imagination à plusieurs », comme un acte de foi collectif conclu sur la corde raide. Le climat est frénétique, parce qu'il faut être à la fois attentif à ce que l'autre dit et inventif dans sa réponse. Le sketch peut durer une minute, deux minutes, parfois plus quand la grâce et l'harmonie portent le duo vers des horizons délirants. Esteban interrompt la scène dès que l'intrigue piétine. Il souligne alors les éléments qui ont bloqué le binôme, les perches qu'untel n'a pas su saisir. « Le plus gros défi, c'est de trouver la bonne idée et de réussir à la transmettre à son partenaire de jeu, en étant le plus clair et le plus précis possible dans ses propositions », estime Damien.

Le « oui » est libérateur !
« Maintenant, vous allez dire oui à l'autre ; ne retenez rien ! ». Par cette incantation vigoureuse, Esteban vient de lancer la phase ultime d'un « cours technique, difficile, sur l'acceptation », destiné d'ailleurs à des élèves qui ont déjà deux années d'improvisation ou de théâtre derrière eux. Le principe ? Abonder dans le sens du partenaire, aller là où il veut vous mener, s'extirper de sa zone de confort en acceptant de construire une histoire dont on ne possède pas jalousement la direction. « Pour aller plus vite, vous devriez vous raser les jambes ; c'est ce que font les pros », conseille l'ami au coureur cycliste. « Vous avez raison, je devrais même m'épiler tout le corps », répond le sportif. « Ou carrément pédaler nu, pour une vitesse optimale », renchérit l'autre. « C'est une idée remarquable ! Tout ce qu'il me faut, c'est trouver la bonne selle pour y caler mon cul ». Joué avec l'accent marseillais, le sketch devient irrésistible. Inutile de rentrer dans les détails de l'histoire entre la voisine survoltée et l'homme adepte des merguez ! Toutes les déclinaisons sont possibles, de la plus potache à la plus poétique. Il y a de quoi devenir accro. C’est le cas de Marine, 23 ans, qui fait 6 heures d'impro par semaine. « C'est un besoin, ça fait partie de mon équilibre personnel », confie-t-elle. Avant de reconnaître pour seul guide le plaisir. Et ce n’est pas la mine radieuse des élèves, à la sortie du cours, qui va la contredire.

Stage d’initiation d’une journée : 75€
Forfait annuel : à partir de 500€  

Le site de l'EFIT

Elodie Vergelati

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