Jacques Vallin, chercheur émérite à l’Institut national d’études démographiques, publie avec France Meslé un article intitulé « Espérance de vie : peut-on gagner trois mois par an indéfiniment ? » (Populations & Sociétés, 16 décembre 2010)
Jacques Vallin : Oui et non. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au XVIIIe siècle, la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes était quasiment nulle. On donne deux explications à la plus grande durée de vie des femmes : l’une physiologique – selon ce seul critère les femmes peuvent vivre deux ans de plus que les hommes-, l’autre socioculturelle. Les progrès médicaux et sanitaires enclenchés au XIXe siècle ont réduit considérablement les risques liés à la grossesse et fait diminuer la mortalité maternelle, tandis que les risques encourus par les hommes – la guerre, l’effort physique, etc- ne disparaissaient pas. Cet écart s’est encore creusé après la Deuxième Guerre Mondiale et jusque dans les années 80. Les hommes fumaient et buvaient, le fossé s’est vraiment agrandi à cette époque-là, atteignant même 14 ans en Russie.
J. V. : On observe en effet une légère réduction de l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes, mais seulement depuis les années 80.
Mais elles ont commencé à fumer dans les années 60, et pourtant cela n’a rien changé, c’est ce qui a donné lieu à une autre explication sur leur longévité. L’attitude face à la santé diffère considérablement selon que l’on est un homme ou une femme. Les uns se soumettent au risque pour prouver leur virilité, quand les autres veulent rester jeunes et belles. En découle une familiarité des femmes avec leurs symptômes et les médecins, elles sont prêtes à plus de concessions pour se soigner.
J. V. : Actuellement la réduction des maladies cardiovasculaires assure un progrès constant de 2 mois et demi par an, et cela devrait encore se prolonger sur deux décennies. Ensuite cela se passera dans la prise en charge du grand âge, autour de 80 ans. Il ne s’agira plus vraiment de lutter contre la maladie mais contre le vieillissement. Le développement des thérapies géniques pourrait contribuer à repousser la limite d’âge. Je pense qu’un jour l’espérance de vie atteindra 100 ans, mais je ne peux pas dire à quelle échéance. La question à la quelle nous n’avons toujours pas de réponse est : la vie humaine est-elle limitée ? Y a-t-il un âge biologique extrême ? Pour l’instant le record est détenu par Jeanne Calment, décédée à 122 ans, cela nous laisse espérer !
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