Pourquoi vaut-il mieux être mince qu'enrobée ? Parce que c'est plus joli, me direz-vous ! Mais qui décide de ce qui est beau ? D'ailleurs, il n'a pas toujours fait bon être mince. Autrefois les minces étaient plutôt considérés comme des êtres maladifs qui faisaient moins envie que pitié. Tandis que les potelées faisaient la fierté de leurs amoureux et stimulaient l'inspiration des poètes, des peintres et des tailleurs de pierre.
Quand l'embonpoint féminin évoquait la fertilité et le masculin la prospérité, les hommes préféraient les rondes et les femmes préféraient les gros. Avec les premières, on se sentait assuré d'une retraite paisible tandis qu'avec les seconds on pouvait rêver d'une vie confortable. En admirant la poitrine opulente et les fesses larges de sa promise, le promis entrevoyait sa progéniture lui garantir une vieillesse tranquille. La fertilité rendait les femmes belles. En contemplant la bedaine de son promis, la promise s'imaginait à l'abri de l'infortune. La prospérité rendait les hommes beaux. En effet, une simple rétrospective historique nous montrerait que les facteurs de beauté se sont souvent confondus avec les signes supposés de réussite sociale. C'est pourquoi le surpoids a longtemps été plus valorisé que la minceur.
On peut donc légitimement se demander quelles sont les valeurs aujourd'hui incarnées par la minceur. Les recherches en sociologie nous indiquent que notre société associe la minceur à des valeurs de contrôle et de maîtrise de soi. À l'inverse, elle associe le surpoids au laisser-aller, au manque de volonté et à la paresse. Les gros seraient donc laids parce qu'on s'imagine qu'ils seraient faibles. C'est ainsi qu'une caractéristique physique se retrouve inconsciemment associée à une disposition morale. Exactement comme on a l'habitude de croire que les personnes portant des lunettes sont des intellectuels, des cérébraux. Comme si la myopie était corrélée au quotient intellectuel (QI).
Force est de constater que notre société n'aime pas les gros. Elle les maltraite et les affuble de toutes les tares : ils sont responsables et coupables de leur état, mangent mal parce qu'ils n'ont pas la volonté de manger mieux et ne maigrissent pas parce qu'ils sont incapables de finir les régimes qu'ils commencent. En bref, ils sont faibles. Pire, ce regard accusateur de la société, les personnes souffrant d'une surcharge pondérale l'ont intégrée et en viennent parfois elle-même à penser que leur sort est mérité.
Or, aujourd'hui, les médecins savent qu'on grossit bien souvent malgré soi et qu'il peut arriver qu'on ne maigrisse pas en dépit de soi. Les prises de poids résultent de troubles alimentaires : on mange trop parce qu'on n'est plus attentif à ses sensations alimentaires, qu'on est submergé par une pléthore de messages nutritionnels contradictoires, qu'on utilise la nourriture pour atténuer les effets de ses émotions, etc. Quant à la difficulté ou l'impossibilité de maigrir, elle résulte de dérèglements du tissu adipeux.
Ainsi l'embonpoint qui faisait la beauté des femmes de jadis parce qu'on les croyait fertiles fait la laideur des femmes d'aujourd'hui parce qu'on les croit faibles de caractère. Ce qui était autrefois un signe de réussite sociale est désormais facteur d'exclusion. Le regard que les personnes en surpoids portent sur elles-mêmes reflète seulement l'ignorance de notre société sur les questions de poids. Elle fait le lit des préjugés et des discriminations. Il serait temps de rétablir la vérité et de rendre justice aux personnes en surpoids. Le surpoids et l'obésité ne sont pas des maladies de la volonté.
En 1912, la femme aux mensurations parfaites faisait du 42
Des mannequins plus rondes feraient des femmes plus confiantes
Régimes Dukan : et maintenant, trêve de balivernes !
Faut-il être perfectionniste ?