Malgré les risques de la dépigmentation artificielle, cette pratique essentiellement féminine et dictée par les couvertures de magazines de mode est de plus en plus répandue en Afrique subsaharienne. À tel point qu'entre les mois d'août et septembre 2012, des affiches vantant les bienfaits d'un soin censé éclaircir la peau sont apparues dans les rues de Dakar, au Sénégal. « Action rapide », « résultat en 15 jours », promettaient les publicités illustrées d'un tube de crème et de deux photos d'une jeune femme : noire « avant » l'utilisation de cette crème - baptisée « Khess Petch » (« toute blanche » en wolof) -, très claire « après ».
Outre le dangereux culte de la blancheur véhiculé par ce cosmétique, cette campagne publicitaire a soulevé l'indignation de personnalités locales en raison de sa dangerosité. Ces produits réduisent la capacité de l'organisme à « se défendre face aux infections » diverses et ont « des effets généraux sur la santé comme le diabète, l'hypertension artérielle », a ainsi expliqué à l'AFP, Fatimata Ly, dermatologue luttant depuis dix ans contre le « khessal » (blanchiment), au sein de l'Association internationale d'information sur la dépigmentation artificielle (Aiida).
En effet, les crèmes, laits ou gels éclaircissants contiennent des substances initialement destinées à un usage thérapeutique, telles que des corticoïdes ou de l'hydroquinone, devant être prescrites par un médecin. « Malheureusement, on peut les trouver sur tous les marchés sénégalais. Ce sont des produits très accessibles » et plutôt abordables, indique-t-elle. Et de déplorer : « entre 1 et 1,5 euro », soit cinq à six fois moins cher qu'en pharmacie. Mais utilisés à mauvais escient, ces produits causent des ravages. Jambe enflée, tuméfiée, plaies béantes, taches brunes, brûlures ou vergetures sont ainsi le lot des 67% de femmes adeptes du « blanchiment », qui, à l'origine, cherchaient à s'embellir.
Pour faire reculer ce fléau, des personnalités locales ont donc lancé le mouvement Nuul Kukk signifiant « Tout(e) noir(e) ». Aisha Dème, responsable du portail culturel Agendakar.com, a confié à l'APF avoir été « scandalisée » par campagne publicitaire de « Khess Petch » sous-entendant que « le Noir n'est pas beau puisqu'il suggère aux femmes de se transformer en 15 jours. En réplique spontanée, on a voulu sublimer la femme noire ». Résultat, d'autres affiches montrant une belle jeune femme à la peau noire ont fait leur apparition dans la ville.
Très actifs sur les réseaux sociaux, les instigateurs de cette riposte, parmi lesquels la militante du droit des femmes Kiné Fatim Diop ou le rappeur Keyti, avaient par ailleurs lancé une pétition sur Twitter. Clôturée fin septembre 2012, elle avait recueilli 1 600 signatures en moins d'un mois. Aujourd'hui, le Nuul Kukk veut mettre un terme définitif à la dépigmentation et « qu'on arrête d'importer ces produits, de les vendre, qu'il n'y ait plus de publicités aussi scandaleuse ». Une tâche qui s'annonce, malheureusement, ardue.
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