« Monstre », « massacrée », « méconnaissable »… Cette « pauvre Renée Zellweger », ainsi que la nomment avec condescendance nombre d’observateurs interdits devant le « nouveau visage » de leur idole de jeunesse, a certes « bien changé ». Mardi dernier, alors que l’actrice de 45 ans – puisqu’il est de bon ton de donner l’âge des femmes lorsqu’on devise post-quadras et ravages du temps – faisait une apparition à une soirée Hollywoodienne, les photographes n’ont pas manqué de mitrailler notre Bridget bien-aimée exhumée d’une retraite de cinq ans loin des projecteurs. « Renée, Renée », criaient-ils certainement, se frottant les mains, certains qu’ils étaient de pouvoir vendre à prix d’or ces clichés de la pimpante girl next-door des années 2000 devenue monstre de foire.
Mais que reproche-t-on au juste à Renée Zellweger ? D’avoir eu recours à la chirurgie esthétique, et donc d’avoir pêché en cherchant à quitter le « club des vieilles » comme Sonia Dubois s’excusait récemment d’avoir quitté le « club des grosses » ? Il serait d’une hypocrisie incroyable de la part des femmes de nier l’attrait que ces petits coups de pouce chirurgicaux peuvent avoir sur elles, en témoigne la pluie d’articles qui leur est, chaque jour, consacré dans la presse féminine d’ici ou ailleurs. Quant aux chiffres, ils parlent d’eux-mêmes puisque, selon une récente étude Opinionway, 40% des Français seraient prêts à passer sur le billard pour un petit coup de baguette magique… discret.
L’une des principales attaques à l’encontre de l’actrice concerne effectivement le fait que « cela se voit ». Front tendu, yeux bizarres, pommettes « resculptées », la star, de l’avis général, est « méconnaissable ». Avoir recours au bistouri, à l’acide hyaluronique, au botox ou à toute autre technique testée et approuvée par Kim Kardashian, pourquoi pas… Mais, de grâce, que la célébrité prenne soin de ne pas heurter ses admirateurs en arborant une apparence trop différente de celle qu’elle avait quinze, vingt ou trente ans auparavant. Buzzfeed, qui s’est penché sur le RenéGate, souligne par ailleurs la cruauté décuplée dont le public fait preuve à l’égard des actrices qu’il a découvertes néo-trentenaires. Figées dans cet âge d’or de la femme à la frontière avec cette quarantaine qui la précipitera irrémédiablement du côté des femmes d’« un certain âge », on demande à ces comédiennes d’avoir la politesse de ne point arborer sur leurs traits le temps qui passe, eu égard à la sensibilité d’un public qui, lui-même, refuse de se voir vieillir.
Notre Bridget bien-aimée a-t-elle abusé des seringues ? Peu importe, après tout. Qu’elle ait vaillamment voulu lutter contre l’inéluctable flétrissement des tissus afin de correspondre à ce que l’industrie du spectacle attendait d’elle, ou simplement pris un de ces « coups de vieux » que tant redoutent, le résultat est là. Oui, Renée Zellweger a changé. Plus qu’Helen Mirren, Isabelle Huppert ou Whoopi Goldberg en quinze ans mais c’est ainsi. Interrogée par le magazine People suite au buzz insensé qui suivit sa récente apparition, la « jeune femme », qu’on imagine blessée par cette dissection planétaire de son apparence physique, a simplement déclarée que pour sa part, elle se sentait bien, et évidemment différente à quarante ans qu’à trente, sans répondre à la question qui hante les foyers du monde entier depuis deux jours : l’a-t-elle fait ou pas ?
En définitive, il semble bien qu’on n’attende pas vraiment de coming-out de la part de l'Américaine brûlée sur le bûcher de la vanité féminine car qu’est-ce que ça changerait ? Non, si tant et tant d’hommes et de femmes ont partagé, commenté, dégueulé ce visage « massacré » par la science et les ans, c’est bien parce qu’il a cristallisé – en un instant et quelques clichés – notre propre peur de vieillir, d’être mis au ban de la société, du monde du travail et du manège amoureux que chacun redoute de devoir un jour quitter, poussé vers la sortie par un société qui ne supporte plus une ride sur un front. Vous êtes le maillon faible, au revoir.
Pourtant, en montrant ainsi d’un doigt accusateur cette « pauvre Renée Zellweger », n’a-t-on pas contribué une fois de plus à l’exil forcé de nos pairs devenus vieux, et donc au nôtre prochain lorsque l'heure de notre péremption physique aura sonné ? Il semble bien que si.
Que disait Mark Darcy, déjà ? "Just as you are"...