En octobre dernier, lors de sa garde à vue, Jean-Claude Mas, fondateur de la société varoise PIP, avouait devant les enquêteurs le procédé illégal de fabrication de ses prothèses mammaires. « Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher (...) et de bien meilleure qualité », a-t-il expliqué aux gendarmes, selon un PV d'audition consulté par l'AFP. C’est en 1993 que le fondateur de PIP aurait donné l’ordre de dissimuler la vérité à l'organisme certificateur allemand TÜV. Les ex-employés de PIP chargent leur patron et en disent plus sur la supercherie.
Thierry Brinon, directeur technique
Arrivé en 2006 au sein de la société varoise Poly Implant Prothèses, Thierry Brinon raconte
qu’au bout de sa période d'essai de six mois, on lui a expliqué que le gel principalement utilisé n’était pas le gel américain Nusil déclaré à TÜV. Un gel fabriqué artisanalement sur place était préféré dans le but d’ « augmenter sensiblement la rentabilité de l'entreprise », explique M. Brinon. Celui-ci indique qu’en 2009, le prix du gel PIP était de 5 euros par litre, contre 35 euros pour le Nusil, soit une différence de 10 euros par implant et un gain d'un million d'euros par an pour une production de 100.000 prothèses. M. Brinon ajoute que des économies sont également réalisées sur la qualité des enveloppes. Très vite, des plaintes émanent à cause d’un trop grand nombre de ruptures. « Bon nombre de personnes dans l'entreprise, connaissant la fraude, sont convaincues que la qualité du gel PIP en est la cause et même M. Mas qui vantait son gel comme son troisième enfant commençait à en douter », poursuit Brinon.
Claude Couty, directeur financier
Entendu également, le directeur financier confirme : « le prix d'achat du Nusil était largement supérieur à celui du gel Brenntag (un des fournisseurs de composants du gel PIP). Les commandes chez Nusil étaient souvent de 100.000 euros alors que celles de Brenntag étaient comprises entre 10.000 et 30.000 euros ». Mais Claude Couty se retrouve vite obligé de payer les indemnisations qui se multiplient : en 2009, le nombre de ruptures aurait augmenté de 30 à 40%, selon lui, il se retrouve harcelé par les courriers des chirurgiens et par le département commercial. « J'ai payé entre 60.000 et 70.000 euros », pour environ 100 à 150 patientes, déclare-t-il.
Pour Jean-Claude Mas, « de la routine »
Le fondateur de PIP, sans scrupules a dévoilé aux enquêteurs avec quelle facilité il était passé à travers les mailles du filet : « TÜV annonce sa visite dix jours avant... C'était de la routine, je donne l'ordre de dissimuler tous les documents ayant trait au gel PIP non homologué, et concernant les containers, les employés se débrouillaient pour les faire disparaître ». Le gel PIP, invention de M. Mas, provenait selon lui d’une « formulation du Dr Arion (chirurgien varois que M. Mas rencontre dans les années 80, ndlr), améliorée en changeant les températures, les pourcentages (de produits introduits), afin de rendre le produit plus cohésif ».
Pour M. Mas, les prothèses incriminées pour des taux de rupture anormaux et des réactions inflammatoires, ne présentaient « aucun risque pour la santé », selon ses propos, les plaignantes sont « fragiles » et intéressées par l’argent.
Crédit photo : AFP
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