Jean-Michel Borys : C’est l’indice de masse corporelle (IMC) qui permet de déterminer le seuil de l’obésité. Cet indice doit être calculé et comparé à la courbe de croissance de l’enfant, présente dans son carnet de santé. Diverses variables sont prises en compte dans ce calcul : sexe, taille et âge. Le rapport à l’âge est très important car entre 0 et 1 an, l’IMC est généralement élevé, puis il diminue quand l’enfant commence à marcher. Il peut enfin encore varier au moment de l’adolescence. Le diagnostique de l’obésité est donc fonction de multiples facteurs.
J-M. B. : Epode (Ensemble, prévenons l’obésité des enfants) est un programme qui existe depuis 20 ans. Il vise à aider la population d’une ville à adopter de meilleures habitudes alimentaires. Des études réalisées ont en effet démontré que lorsque l’ensemble d’une communauté était mobilisé, les risques d’obésité étaient fortement diminués.
En 2010, 200 communes françaises avaient rejoint le programme, avec une mobilisation des mairies, des entreprises, des familles. L’expérience nous a permis de confirmer l’hypothèse selon laquelle lorsque les enfants sont incités à pratiquer une activité physique régulière et que les repas de la cantine sont variés et bien présentés, ils sont enclins à modifier leur comportement alimentaire, à partager ces bonnes pratiques avec leur famille et donc à sensibiliser leurs parents. L’effet boule de neige est alors enclenché. Pour preuve, les communes Epode affichent une baisse de 10 à 20 % du nombre d’enfants obèses, au bout de 5 ans. Aujourd’hui, en France, ce sont 250 communes qui ont intégré le programme. Elles sont 600 dans le monde, soit 20 millions de personnes concernées.
J-M. B. : Il s’agit d’un problème de santé publique mais aussi d’économie. L’obésité augmentant les risques de maladies cardiovasculaires ou respiratoires, de diabète, de problèmes veineux et d’anomalies hormonales, le nombre de personnes en fort surpoids, qui a doublé en 20 ans, fait craindre une explosion des coûts de la santé. En effet, ce sont autant de malades précoces potentiels que la Sécurité sociale devra un jour prendre en charge. Une perspective difficile à envisager dans le contexte actuel. Plus que sanitaire, la prise en compte de l’obésité est ainsi devenue un enjeu économique et sociétal.
J-M. B. : La malbouffe n’est qu’un des facteurs menant à l’obésité, mais contrairement à la croyance populaire, elle n’est pas le plus dangereux. Certes, 50 à 60 % des cas sont liés à la malbouffe mais parallèlement, on entend souvent dire qu’on ne peut devenir obèse que si l’on est prédisposé à l’être. Sachez que 80 à 90 % de la population y est prédisposée. La génétique est ainsi responsable de 30 % des cas d’obésité. Les autres causes sont l’environnement et l’activité physique. Le stress peut également engendrer une importante prise de poids, de même que la pollution, l’influence de l’alimentation intra-utérine ou la présence dans l’environnement de perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A. Il ne faut donc pas systématiquement pointer du doigt le comportement alimentaire d’un enfant pour expliquer son obésité.
J-M. B. : Il y a aujourd’hui une bonne prise de conscience chez les personnes aisées et cultivées. On constate en effet une stagnation de l’obésité dans ces milieux. Mais dans les populations défavorisées et vivant dans l’urgence, la situation est très différente. Et pour cause, prévenir l’obésité n’est pas une priorité quand on ne sait même pas si l’on pourra se nourrir le lendemain. En fonction de l’appartenance à un groupe sociale, le regard sur le poids est lui aussi très différent. Ainsi, dans certains milieux populaires, avoir des enfants grassouillets est signe de bonne santé. Je pense que les efforts des institutions devront donc se porter sur cette seconde catégorie de la population.
J-M. B. : Comment peut-on proposer une chose pareille ? Le docteur Dukan n’a pas dû avoir d’adolescents en consultation depuis bien longtemps pour ne pas se rendre compte de la souffrance extrême dans laquelle vivent les jeunes adultes en surpoids. Cette mesure, si elle était adoptée, ne ferait qu’augmenter leur stigmatisation. Cette proposition est pathétique et presque risible.
J-M. B. : L’obésité de l’enfant commence dès la grossesse. Dans ce cadre, les médecins ont un rôle à jouer. D’une part, les futurs parents doivent ainsi être sensibilisés aux bienfaits d’une alimentation équilibrée pendant la grossesse et à la surveillance du poids de leur enfant. Ainsi, pendant les cinq premières années de sa vie, il est conseillé de le peser et le mesurer deux fois par an.
Ce contrôle peut éviter de futurs drames car si les parents se contentent de surveiller le physique de leur enfant à l’œil nu, son éventuelle obésité leur apparaîtra avec deux ans de retard. Or, ce problème se soigne d’autant plus vite qu’il est diagnostiqué tôt. Par ailleurs, aujourd’hui, il n’existe pas de solution thérapeutique à l’obésité et il n’en existera pas dans les 20 prochaines années. Seules la prévention, en amont, ou la chirurgie, lorsqu’il est trop tard, peuvent en venir à bout.
Crédit photo : Digital Vision
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