Emmanuel Jammes : La Ligue s’implique parce qu’au nom des victimes, on ne peut pas rester indifférent face à cette escroquerie. En France, sur les 30 000 femmes concernées, 20% le sont à la suite d’une reconstruction mammaire après un cancer du sein. Notre action concerne ces 6000 femmes. En tant qu’association reconnue d’utilité publique, nous sommes agréés pour représenter les usagers, et nous devons en leur nom prendre position et défendre leurs droits.
E. J. : Les victimes aidées sont en priorité les femmes qui ont subi une chirurgie mammaire à la suite d’un cancer du sein, mais les femmes qui avaient fait une démarche de chirurgie esthétique ne seront pas laissées de côté. Nous les écouterons et les redirigerons vers les associations de patientes comme P.P.P (Association de défense des porteuses de prothèses PIP) ou MDFPIP (Mouvement de défense des femmes porteuses d’implants et de prothèses).
E. J. : Le fonds d’urgence vise à aider les personnes pour qui l’opération d’explantation et de réimplantation pourrait être retardée ou empêchée pour des raisons financières. Les autorités de santé ont affirmé que pour les femmes ayant subi une reconstruction mammaire après un cancer du sein, les frais seraient couverts, mais quid des faux-frais ? J’entends par là le forfait hospitalier, les coûts de transport, de consultation en amont, et les dépassements d’honoraires des chirurgiens… Sur ce dernier point la Ligue contre le cancer encourage les praticiens à respecter les tarifs de la Sécurité sociale, car la Ligue ne pourra pas les prendre en charge. Par ailleurs le fonds d’urgence permettra de renforcer notre permanence psychologique (accessible via le 0 810 111 101), et le soutien juridique accordé aux victimes.
E. J. : Lorsque le 23 décembre, le groupe d’expert s’est réuni à l’Inca (Institut national du cancer) pour répondre à cette question, la réponse a été clairement « non ». A ce moment-là, huit cas de cancers avaient été détectés chez des femmes ayant porté des prothèses PIP. Statistiquement c’est insuffisant pour conclure à un lien de causalité, et scientifiquement il n’existe aucune preuve. A présent, 20 cas de cancers ont été recensés, mais cela reste insuffisant. Le lien entre la dangerosité d’un produit chimique et son impact sur les tissus ne peuvent se vérifier que sur le long terme, c’est pourquoi l’Inca a entamé une étude de cohorte sur les 30 000 femmes porteuses de prothèses PIP, pour voir si sur le long terme un rapprochement peut être établi entre les implants et l’apparition de cancers.
E. J. : Non, cette mesure était indispensable. On ne peut pas laisser ces femmes avec dans le corps un gel dont on ne sait rien. Ces implants sont moins solides que les autres, ce gel fuit et peut générer des inflammations et des complications. Il fallait préconiser le retrait pour toutes les conséquences qu’on connaît et surtout pour toutes celles qu’on ne connaît pas encore. Notre système de santé est presque unique en son genre, car fondé sur la solidarité et l’interventionnisme. L’Assurance maladie prend des décisions pour garantir l’égalité dans l’accès aux soins. La Grande-Bretagne a décidé que les opérations de retrait ne seraient pas prises en charge par l’Etat, vu de France on peut être choqué, mais cela correspond au choix de santé de ce pays.
E. J. : Il s’agit de poser la question des responsabilités dans cette affaire, au nom de toutes les femmes qui ont subi une reconstruction mammaire à la suite d’un cancer du sein. Les précautions ont-elles été respectées ? Du côté des autorités sanitaires, mais aussi des organismes de certification et des praticiens ? Jusqu’où va la responsabilité de l’entreprise PIP et de son patron Jean-Claude Mas ? Nous pourrions nous porter partie civile, ne serait-ce que pour accéder au dossier complet de l’affaire, et conseiller au mieux les victimes qui font appel à nous. Mais aucune décision n’a été prise pour le moment, notre cabinet d’avocat est en train de travailler sur la forme de cette action en justice.
Le site de la Ligue contre le Cancer
Crédit photo : AFP
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