Docteur Jean-Paul Blanc : Un premier travail de définition du contenu de consultations standardisées à des âges clés avait débuté en 2006. Réalisé en Bretagne par l’Institut de la mère et de l’enfant de Rennes et l’URML (Union Régionale des Médecins Libéraux) de Bretagne, il s’agissait alors de mettre en place des consultations dédiées aux enfants de 9, 24 et 36 mois dans le cadre des examens physiques et sensoriels systématiquement réalisés à ces âges. Une mallette avec des outils de dépistage, un guide méthodologique et des fiches de recueil avait d’ailleurs été conçue à cet effet.
Suite à ce premier essai, l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa), a réuni un comité d’experts dans différents domaines, afin de promouvoir un protocole d’examen similaire aux âges clés de 4, 5 et 6 ans cette fois. L’association MOD 4, 5, 6 a donc été créée pour l’occasion et chargée de piloter le projet de standardisation de ces consultations. Ces dernières intègrent le repérage des troubles du développement et des apprentissages liés aussi bien à la vision, à l’audition, qu’aux troubles cognitifs, et ont été pensées pour s’adapter à la pratique libérale. Là encore, une mallette d’outils de repérage, comportant des questionnaires parents et médecins et des tests (sensoriels, langage oral et écrit, praxie, etc.) validés par des spécialistes a été spécialement élaborée.
Cette consultation spécifique est complémentaire des examens de la PMI ou de ceux parfois réalisés de façon partielle chez le pédiatre ou avec des outils non-adaptés. De plus, on ne peut nier que certains médecins estiment que la détection des troubles de l’apprentissage n’est pas de leur ressort.
Dr. J.-P. B. : Aujourd’hui, on estime que 20 % des enfants français souffrent de troubles de l’apprentissage pouvant concerner le langage oral, écrit (dyslexie, dysorthographie) ou le développement moteur (dyspraxie). Si l’on prend l’exemple des troubles touchant le langage écrit, il est aujourd’hui très difficile de les détecter avant le CP ou le CE1 et l’apprentissage de l’écriture. Or, lorsqu’elles sont insoupçonnées, ces difficultés mettent en danger la scolarité de l’enfant et sont sources de troubles sociaux et psychoaffectifs liés à l’estime de soi. En effet, en s’installant, la pathologie complique la scolarité de l’enfant qui est alors souvent considéré comme un cancre en raison de ses mauvais résultats. Quand elle est enfin décelée, c’est généralement avec plusieurs années de retard ; d’où l’intérêt d’une consultation spécifique dès le plus jeune âge qui éviterait les erreurs de jugement. Chaque pathologie a toutefois un visage différent. Si certaines sont mises en lumière en fonction de la scolarité, pour d’autres, c’est l’âge qui sera déterminant.
Dr. J.-P. B. : Ce forfait se justifie car une consultation spécifique est un protocole long nécessitant autant de temps que 3 à 4 consultations standards. En effet, une visite de routine chez le médecin ne prend guère plus de 15 minutes tandis que celles dont il est ici question durent 56 minutes en moyenne. De plus, à chaque nouvelle pathologie détectée, des tests spécifiques devront être effectués alourdissant ainsi la charge de travail du praticien. D’ailleurs, pendant notre phase de test, 52 % des consultations ont permis de repérer une ou plusieurs anomalies.
Toutefois, il est bien sûr hors de question de demander aux parents de supporter cette note. Notre proposition s’inscrit dans le cadre d’une politique de prévention des troubles de l’apprentissage. Nous considérons que, à terme, dépister le plus tôt possible les problèmes visuels ou auditifs revient moins cher que des consultations chez l’ORL pendant plusieurs années. Par ailleurs, une telle mesure pourrait également avoir un impact sur le taux d’échec scolaire. Aujourd’hui, en Europe, 16 à 24 % des élèves sont dans cette situation.
Ainsi, soit la société et le gouvernement acceptent de généraliser ce dépistage et le prennent en charge afin que toutes les couches de la population y aient accès, soit la situation restera telle qu’elle est actuellement. Mais je dois avouer que j’ai bon espoir que nous obtenions gain de cause : ces troubles sont, quoi qu’on en dise, un problème de santé publique.
Crédit photo : BananaStock
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