Gardasil, un vaccin controversé
Commercialisé en France depuis 2006, le vaccin Gardasil est indiqué en prévention du cancer du col de l'utérus dû à certaines infections à papillomavirus humains (HPV). Il est recommandé chez les jeunes filles âgées de 14 ans et les jeunes femmes de 15 à 23 ans n’ayant pas eu de rapports sexuels (ou au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle). Le schéma vaccinal contre les infections à HPV comporte trois doses, administrées à 0, 2 et 6 mois d’intervalles.
Depuis sa mise sur le marché, le traitement fait l’objet d’un suivi national dans le cadre d’un plan de gestion de risque (PGR). Pourtant, nombreuses sont les jeunes filles vaccinées, et les mères de ces dernières, à accuser le Gardasil de provoquer de multiples effets indésirables graves. C’est notamment le cas de Gilberte Casellas, dont la fille, Julie, a reçu une injection à l’âge de 17 ans.
« Vaccinée, ma fille souffre maintenant de la maladie de Verneuil »
« J’ai découvert le Gardasil en 2007, par le biais de spots télévisés. Il était décrit comme un produit miracle pour les jeunes filles ne souhaitant pas courir le risque d’être un jour atteinte d’un cancer de l’utérus, raconte la vice-présidente de l’association Les Filles et le Gardasil. Deux semaines après la première injection, un abcès est apparu sous l’aisselle de ma fille. J’ai d’abord pensé qu’elle s’était mal épilée, mais il a vite pris la taille d’un œuf de caille. Julie a donc subi une opération chirurgicale pour se le faire enlever. Mais elle a été contrainte d’en subir une autre car, une semaine après l’intervention, un nouvel abcès d’une taille conséquente était apparu sous son autre aisselle. » A l’apparition du troisième kyste, le chirurgien refuse de réopérer l’adolescente, et c’est en consultant un dermatologue que la mère et la fille mettent un nom sur cette soudaine pathologie. Julie est atteinte de la maladie de Verneuil, une maladie orpheline qui se manifeste par l’apparition de nodules cutanés et d’abcès douloureux au niveau des aisselles, des fesses, des creux axillaires, etc.
« Je soupçonnais déjà un lien entre le Gardasil et les soudains problèmes de santé de Julie, sans aucune certitude cependant. J’ai donc fait quelques recherches sur Internet : le doute n’était alors plus permis. » Et pour cause, Gilberte Casellas dit avoir trouvé, sur des forums, des dizaines de témoignages de victimes du Gardasil en France, aux Etats-Unis ou en Espagne. « Au départ il s’agissait de cas très isolés puis, petit à petit, les témoignages se sont faits plus nombreux. Les symptômes décrits étaient très divers mais tous s’accompagnaient d’une fatigue chronique très invalidante », détaille-t-elle. Et de poursuivre : « En France aussi, le Gardasil a déjà fait beaucoup de dégâts. Par le biais de mon association, je connais personnellement une dizaine de jeunes filles ayant développé des pathologies diverses après une ou plusieurs injections de ce vaccin. » Autant de jeunes filles dont les vies sont aujourd’hui « gâchées », tout comme celles de leurs mères, rongées par la culpabilité. « Depuis mars 2008, Julie a été opérée deux fois des aisselles et deux fois du coccyx. Depuis, elle est soumise à des soins quotidiens pour tenter de faire cicatriser aux mieux ses plaies tandis que des kystes continuent à apparaître car on ne guérit pas de la maladie de Verneuil. Je lui ai inoculé une maladie orpheline en voulant la protéger », regrette-t-elle.
Une surveillance étroite de l’Afssaps
Des témoignages comme celui-ci, le docteur Yann Leocmach, directeur médical France de Sanofi Pasteur MSD, en a déjà entendu plusieurs. Et malgré sa compassion pour ces familles, il affirme que le vaccin n’est pas en cause pour une seule et bonne raison : d’un point de vue scientifique, il n’y aurait en effet pas plus de maladie de Verneuil, ou de ce type, dans la population vaccinée que chez les personnes non-vaccinées. « Les vaccins, quelle que soit leur visée, sont toujours controversés car ils sont prescrits à des personnes en bonne santé pour prévenir une éventuelle maladie. Souvent, le moindre mal-être ressenti après l’injection sera attribué au produit. A l’opposé, un patient ne félicitera jamais le vaccin pour n’avoir pas contracté la maladie contre laquelle il était protégé, décrypte-t-il. Le même schéma s’applique pour le Gardasil. » Or, Dr Leocmach l’assure : les médicaments des laboratoires Sanofi Pasteur sont nécessairement bien tolérés. Par ailleurs, « ce n’est pas parce qu’un effet survient après l’injection d’un vaccin que les deux sont forcément liés ».
Mais alors, pourquoi le Gardasil figure-t-il toujours sur la liste des médicaments sous surveillance renforcée de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ? Rien d’étonnant à cela selon le directeur médical. « Tous les nouveaux médicaments de moins de 5 ans sont soumis au contrôle étroit de l’agence. Sont ainsi examinés la tolérance au produit pendant la grossesse (bien que les injections de Gardasil soient déconseillées dans cet état), les effets indésirables anodins et attendus, ainsi que ceux ayant des conséquences plus graves et pouvant conduire à une hospitalisation. »
Une arme efficace contre le cancer de l’utérus ?
Une surveillance qui, en novembre dernier, a d’ailleurs permis à l’Afssaps de dresser un bilan favorable quant à la tolérance de ce vaccin. « A ce jour, aucun signal particulier n’a été identifié pour plus de 65 millions de doses délivrées dans le monde, peut-on lire sur le site de l’autorité. Par ailleurs, une étude de surveillance de l’incidence des maladies auto-immunes est actuellement menée par l’Afssaps, à partir des données de l’Assurance maladie, chez près de 6 millions de jeunes filles vaccinées et non-vaccinées. Les résultats, après deux ans de suivi, ne montrent pas d’augmentation du risque de maladies auto-immunes associé à la vaccination anti-HPV. Compte tenu de ces données, le rapport bénéfice-risque du Gardasil reste favorable », conclut le document.
Une décision qui rejoint le troisième avis de pharmacovigilance rendu, un mois plus tôt, par le Haut Conseil de Santé Publique (HASP). En effet, lors d’un point sur l’intérêt de la vaccination, en octobre dernier, l’institution émettrice des recommandations vaccinales ne constatait ni donnée susceptible de remettre en cause l’efficacité des injections de Gardasil ni signal de pharmacovigilance, ni donnée suggérant un caractère potentiellement délétère du vaccin. « En conséquence, le Haut Conseil de la santé publique recommande une amélioration de la couverture vaccinale », préconisait même le HASP.
Bien que ces décisions soient difficiles à accepter pour les jeunes filles se disant victimes des effets du Gardasil, et pour leurs parents, le Dr. Yann Leocmach tient toutefois à remettre la situation dans son contexte. « Interrogeons-nous sur toutes les maladies que la vaccination permet de prévenir, propose-t-il. En France, 25 000 femmes sont hospitalisées chaque année pour des lésions du col de l’utérus. Et, s’il est encore trop tôt pour connaître les premiers effets du Gardasil dans notre pays, dans d’autres comme en Australie, on observe déjà une nette réduction des lésions précancéreuses. » Selon lui, nous devrions observer les mêmes effets, en France, dans quelques années. Affaire à suivre…
Crédit photo : Goodshoot
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