Catherine Grangeard : Je suis partie de mon expérience de psychanalyste. Raconter ce qui se passe dans un travail analytique permet d’illustrer ce que vivent les personnes obèses. J’ai voulu montrer la question de l’obésité sous un autre jour. Elle n’est pas qu’une affaire de kilos ou d’alimentation, c’est un phénomène de société, complexe, multiple. Il y a des idées reçues très difficiles à combattre.
C.G : L’approche psychanalytique permet d’aller chercher dans l’inconscient les raisons d’une difficulté. Il est intéressant de comprendre ce qui nous pousse à faire quelque chose qu’on juge néfaste pour nous-même. C’est cela, l’approche analytique. Il faut se poser la question. Les déterminants sont dans chacune des histoires personnelles. Avec cette analyse de cas, je montre ce qui se passe dans une prise de conscience. Elle est nécessaire avant de démarrer un programme sérieux. Ce retour en arrière permet de lever un certain nombre de verrous.
C.G. : Ce que j’essaie de montrer, c’est que justement il n’y a pas de typologie des personnes obèses. Certes, ce sont des personnes qui face à une difficulté, vont se tourner vers la nourriture. Le point commun, c’est que contrairement à vous, à moi, elles ne réussissent pas à dire stop. Quand commence l’addiction, c’est toute la question. Les raisons de cette fragilité sont inscrites dans l’histoire.
C.G. : En ce moment, tout nous pousse à aller vers l’alimentation. Nos enfants sont perpétuellement tentés par les étalages des supermarchés. D’un autre côté, on nous assène des messages sur le bien manger, manger bouger, 5 fruits et légumes par jour. Il y a des effets pervers aux messages simples. La simplification fabrique de l’obésité dans le sens où elle laisse penser que tout est facile. Lorsqu’elle se met au régime, la personne croit qu’elle a un remède simple. C’est malhonnête de dire qu’on peut perdre du poids durablement en quelques semaines de diète. Une bonne hygiène de vie doit être permanente. Il faut quitter le centrage sur le poids. Réduire une personne aux kilos qu’elle doit perdre, c’est l’empêcher de trouver une solution.
C.G. : Absolument pas, tout régime est restrictif et donc éprouvant. La privation entraîne de la frustration. La phase de stabilisation est la plus difficile. La personne craque, reprend plus de kilos, c’est bien connu. Le régime doit rester quelque chose de ponctuel, c’est l’hygiène de vie qui doit primer. Une personne obèse passe par différents paliers. Elle tente un régime, échoue. L’échec, c’est l’estime de soi qui chute. C’est important de décrypter ce que les personnes cherchent dans un régime. Comment remettre la réalité aux commandes ? Le bon moment c’est celui où on se dit « j’ai le courage d’affronter ». Il est plus facile de s’en sortir lorsqu’on est dans une bonne phase de vie.
Catherine Grangeard - « Comprendre l’obésité, Une question de personne, un problème de société » - éd. Albin Michel.
Crédit photo : Photodisc
Régime : « La méthode Dukan ou la haine de soi »
Obésité infantile : le comportement alimentaire n'explique pas tout
Obésité : le régime Weight Watchers, ça marche
Régime végétarien/végétalien : quels sont les risques de carences ?
500 millions d’adultes obèses dans le monde