Terrafemina : En 2009, vous aviez publié « Ces médicaments qui nous rendent malades », un livre à charge contre l’industrie pharmaceutique. Vous revenez aujourd’hui avec « La Fabrique de malades ». Pourquoi ?
Docteur Sauveur Boukris : Ce livre remet en question les revendications médicales concernant l’intérêt d’atteindre des objectifs pour les maladies métaboliques, comme le diabète ou le cholestérol, et de pratiquer des examens de routine tels que les mammographies. La médecine a beaucoup évolué ces dernières années. Désormais, aujourd’hui, elle cherche à atteindre des objectifs thérapeutiques chiffrés et fait abstraction de la personne. Le patient n’est plus au centre du système. Or en tant que médecin généraliste, j’estime que le patient doit être une priorité ; je ne suis au service ni de la médecine ni de la Sécurité sociale, mais du malade.
Dr. S. B. : La « médecine marketing » consiste à jouer sur la peur de la population de contracter une maladie et sur les éventuels risques de complication de cette dernière. C’est le fait de lancer une opération de sensibilisation pour capter l’attention du public, qui, inquiet, se rendra chez son médecin et se fera prescrire un traitement. Mais c’est une manipulation, un système qui transforme un symptôme en maladie et une maladie en risque mortel. L’exemple le plus flagrant est sans doute le taux de cholestérol et les risques cardiovasculaires qui y sont prétendument liés. On tend ainsi de plus en plus vers une médicalisation de la vie ; on joue sans cesse sur la notion de risque comme s’il était possible de faire des prévisions applicables à l’ensemble de la population à partir de données statistiques.
Dr. S. B. : Les laboratoires pharmaceutiques et d’analyses en sont les premiers bénéficiaires mais c’est l’ensemble du secteur médical qui joue sur la notion de risque et de peur des patients. Il y a quelques années, un symptôme déclenchait la machine thérapeutique. Aujourd’hui, suivant le principe du « mieux vaut prévenir que guérir », on peut être traité à vie pour une maladie quelconque, sans en avoir le moindre symptôme. Pourtant, ce mode de fonctionnement n’a jamais prouvé son efficacité. En effet, aucune étude ne prouve que faire régulièrement des dépistages permet de vivre plus vieux et en meilleure santé.
Dr. S. B. : Plus qu’opposé aux dépistages, je suis surtout contre la médecine de masse, cette médecine systématisée qui stipule que toute femme âgée de 50 à 74 ans doit se soumettre à un dépistage du cancer du sein, par exemple. Les derniers chiffres concernant les mammographies attestent que 10 à 15% des tumeurs décelées n’auraient jamais évolué en cancer et se seraient résorbées naturellement. Ce sont autant de femmes qui ont subi l’ablation d’un sein et le traumatisme qui s’ensuit alors qu’elles auraient pu éviter cette expérience. La médecine doit revenir à une activité individualisée, au cas par cas, à l’examen clinique du patient. Aujourd’hui, outre le fait d’être source d’angoisse, elle n’est plus vivable économiquement.
Dr. S. B. : À 100 %. Ces pilules ont été présentées comme de troisième génération et ce à tort car elles ont en réalité les mêmes effets et les mêmes inconvénients que les pilules de première et deuxième génération, à la différence près qu’elles coûtent plus cher. Elles ont été annoncées comme une innovation thérapeutique avant même que les laboratoires aient le recul nécessaire pour l’affirmer et dire que les précédentes étaient obsolètes. Il s’agissait soi-disant de pilules up-date, mais le but était uniquement de justifier leur prix plus élevé car elles n’apportent rien de plus que les précédentes. Les pilules de troisième génération ne profitent qu’aux laboratoires pharmaceutiques qui dépensent, en général, deux fois plus d’argent en marketing qu’en recherche.
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