C'était l'un des rares secteurs d'activités absent du commerce électronique. Depuis le 1er janvier, et suite au décret du ministère de la Santé, la vente de médicaments est autorisée sur Internet, comme c'était déjà le cas en Belgique et en Allemagne. Pourtant, cette réforme ne constituait pas une priorité en France. Selon un récent sondage Ifop pour l'Institut de recherches anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) et l'Union des fabricants (Unifab), moins d'un Français sur dix (9%) aurait déjà acheté un médicament sans ordonnance sur Internet et seuls 26% d'entre eux seraient prêts à le faire.
Problème, en novembre dernier, la Fédération professionnelle des industriels du médicament (LEEM) estimait que 50% des médicaments vendus sur la Toile sont des contrefaçons. Et entre le 25 septembre et le 2 octobre dernier, 256 sites illégaux de mise en ligne de médicaments étaient identifiés dans le cadre d'une opération internationale visant à lutter contre la vente illicite de ces produits de santé. Et près d'une plate-forme sur cinq était rattachée à la France.
C'est donc pour assurer la sécurité des consommateurs, et conformément à une directive européenne, que le ministère de la Santé a finalement accepté la création d'e-pharmacies, sous réserve de respecter certaines conditions.
- Une officine physique : Selon le décret, ne peuvent ouvrir un site de vente en ligne que les pharmaciens dûment diplômés et possédant une pharmacie ayant pignon sur rue. Chaque e-pharmacie devra donc être adossée à une officine physique.
- Un agrément indispensable : En théorie, aucune e-pharmacie française n'est pour l'heure autorisée. En effet, ces dernières doivent d'abord obtenir l'agrément de l'Agence régionale de santé (ARS) qui bénéficie d'un délai de deux mois pour instruire une demande. Les dossiers qui auraient pu être déjà déposés sont donc logiquement encore en cours. À noter que pour limiter les éventuelles fraudes, les officines virtuelles autorisées seront référencées sur le site du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop).
- Un stock de médicaments limité : Seule une liste établie par le ministère de la Santé de 455 médicaments ne nécessitant pas d'ordonnance pourra être proposée à la vente. Parmi ces derniers, du paracétamol, de l'ibuprofène, des sirops antitussifs, des anti-rhumes, etc. Pour certains produits, il s'agira de versions allégées (par la concentration ou le nombre de comprimés) des présentations vendues en pharmacies. Cette liste, dite « de médication officinale », sera régulièrement mise à jour par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Et si l'émergence prochaine d'e-pharmacies permettra aux clients de bénéficier de tous les avantages de la vente en ligne – tels que la livraison à domicile ou l'anonymat -, les professionnels du secteur appréhendent, eux, les dérives de la mesure. Pharmacien à Versailles, Jean-Luc Audhoui craignait dans les colonnes du Figaro l'apparition de « faux sites » et l'incitation à la « surconsommation de médicaments » alors que la France est le premier consommateur européen de comprimés, sirops et autres gélules. Pour Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, le danger est la banalisation du médicament. « La vente par Internet ne supprime aucune des obligations habituelles du pharmacien » que sont le conseil et la confidentialité, prévient-elle. Et d'ajouter qu'il « faut poser les bonnes questions et évaluer si la prise d'un médicament est toujours appropriée en fonction du client. Là est la difficulté : donner le bon conseil à l'internaute, derrière son écran ».
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