Face à « la dégradation de la situation des libertés dans le pays », plusieurs partis de gauche, dont le Parti démocratique progressiste (PDP), et le pôle démocrate moderniste (PDM), s’associent pour organiser une « marche pour la défense des libertés » ce samedi 28 janvier, à Tunis. En cause, la recrudescence du discours intégriste dans le pays et les manifestations de violence à l’égard de citoyens et de journalistes. D’après le communiqué, massivement relayé sur les réseaux sociaux, cette manifestation pacifiste est aussi une réaction au « mutisme » et à la « passivité du gouvernement et des autorités ».
Plusieurs incidents se sont enchaînés ces derniers mois, faisant craindre aux partisans de la démocratie un recul des libertés. La faculté de lettres de la Manouba vient tout juste d’être évacuée. Depuis quelques temps elle était le théâtre d’un affrontement entre salafistes et contempteurs du niqab (le voile intégral). Cette semaine, lors du procès de la chaîne de télévision Nessma, poursuivie pour avoir projeté « Persepolis » de Marjane Satrapi, un film jugé blasphématoire, un journaliste et un juriste ont été agressés devant le tribunal par des membres du mouvement salafiste.
Mais c’est le député Ennahda Sadok Chourou qui a provoqué un tollé général par ses déclarations lundi, en pleine Assemblée constituante. Cet élu a évoqué les « sit-inneurs », soit les responsables des blocages d’usines ou de routes dans le pays, et appelé à des punitions inspirées d’un verset du Coran défendant le démembrement, la crucifixion et le bannissement. Invité à s’expliquer sur une radio locale le lendemain, le député a insisté, estimant qu’il ne fallait pas voir dans ses propos un « appel à la haine mais un appel à mettre fin à ces faits qui sont un crime envers le peuple et méritent un châtiment des plus sévères. »
Sur Facebook, une pétition circule « Pour que Chourou soit destitué de son poste à la Constituante et qu’il soit banni de son parti », tandis que l’appel à la marche a recueilli près de 4000 promesses de participation.
Il y a un an, la Tunisie était le théâtre d’un mouvement populaire sans précédent, provoquant le départ du président Ben Ali le 14 janvier 2011. Le parti islamiste Ennahda a obtenu 41% des sièges de l’Assemblée constituante élue en octobre dernier, tandis que le PDP et le PDM, partis démocratiques de gauche, n’ont obtenu à eux deux que 22 sièges.
Crédit photo : AFP/Rached Ghannouch, chef du parti Ennahda
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