Société
Tunisie : « une condamnation du patron de Nessma TV serait inadmissible »
Publié le 19 avril 2012 à 19:22
Par Marine Deffrennes
Le procès de Nabil Karoui a repris aujourd’hui en Tunisie. Patron de la chaîne de télévision Nessma, il risque trois ans de prison pour avoir diffusé le film « Persepolis » de Marjane Satrapi. Amnesty International a rejoint la cause de l’accusé qui a vu sa maison brûler et ses journalistes agressés. Décryptage avec Françoise Leÿs, responsable de la coordination Tunisie d'Amnesty International France.
Tunisie : « une condamnation du patron de Nessma TV serait inadmissible » Tunisie : « une condamnation du patron de Nessma TV serait inadmissible »© Nabil Karoui
La suite après la publicité


Nabil Karoui, patron de la chaîne privée tunisienne Nessma TV, s’est présenté aujourd’hui au tribunal de première instance de Tunis pour la reprise de son procès. Il est accusé d’ « atteinte aux bonnes mœurs et trouble à l’ordre public » pour avoir diffusé sur la chaîne Nessma le film « Persepolis », dans lequel une scène représente Dieu, ce qui est interdit par l'islam. Dans la salle d’audience jeudi, les plaidoiries des parties civiles et de la défense ont commencé à se succéder. L’intervention de Me Raja Mansour, relatée par Jeuneafrique.com, a été particulièrement commentée sur les réseaux sociaux. Celui-ci a affirmé que son fils avait été très choqué et avait eu une crise après avoir vu le film, et a ensuite réclamé des sanctions appropriées. Le procès a été de nouveau ajourné au 3 mai, date de la Journée mondiale de la liberté de la presse…

Françoise Leÿs : Ce procès avait été ajourné en janvier, et vu l’atmosphère en ce moment on peut s’attendre à des manifestations. Une centaine d’avocats se sont ligués contre Nabil Karoui, à qui l’on reproche d’avoir blasphémé. Amnesty International se positionne pour défendre M. Karoui parce qu’il symbolise la liberté d’expression en Tunisie. Il serait inadmissible qu’il soit condamné, même si le film qu’il a diffusé a heurté les règles de l’islam.

F. L. : La religion musulmane interdit de représenter Dieu, or, dans le film, la petite fille qui raconte son histoire voit Dieu apparaître. Cela a certainement choqué les croyants les plus orthodoxes dans leur pratique de l’islam, mais les laïcs et même la plupart des citoyens croyants trouvent cette arrestation excessive.

F. L. : Cela ne va pas être facile, actuellement la nouvelle Constitution est rédigée par une Assemblée où le parti Ennahda est majoritaire. Le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, issu de ce parti, a néanmoins promis de ne pas toucher aux acquis des femmes, et on peut faire confiance aux membres démocrates de l’Assemblée pour qu’ils montent au créneau sur tous les sujets liés au respect des libertés et droits humains. Il y a un point très positif à souligner, c’est que cette Assemblée a renoncé à inscrire la charia dans la nouvelle Constitution. Reste à attendre de voir comment tout cela va évoluer.

F. L. : Les salafistes sont très actifs en ce moment, ils ont occupé la faculté de la Manouba plusieurs mois, ils ont multiplié sit-in et grèves de la faim pour que les femmes en hijab puissent assister aux cours, néanmoins ils n’ont pas obtenu gain de cause, des élections étudiantes ont eu lieu, et ce sont les jeunes de gauche qui ont gagné. Mais les Tunisiens savent bien que les salafistes sont très minoritaires, ils savent se rendre visibles et faire du bruit, mais cela n’affole pas la population. Reste qu’il subsiste une certaine ambiguïté sur les rapports entre le parti majoritaire Ennahda et sa branche salafiste. C’est pourquoi le gouvernement de H. Jebali, qui appartient plutôt à la mouvance modérée d’Ennahda, n’intervient pas immédiatement et ne se positionne pas de façon tranchée lorsqu’ils agissent, s’efforçant toujours de composer avec les intégristes de l’ancienne école sans froisser l’opinion. 

Tunisie : Ennahda première force politique du pays
Tunisie : la société civile doit être le modérateur face à Ennahda
Tunisie : un an après, même si les têtes sont pourries, le corps ne l’est plus
Ennahda : profession de foi pour la femme tunisienne

 

Mots clés
Société Monde proces
Sur le même thème
Nicolas Bedos : 1 an de prison pour agression sexuelle, pourquoi sa condamnation est historique play_circle
Culture
Nicolas Bedos : 1 an de prison pour agression sexuelle, pourquoi sa condamnation est historique
22 octobre 2024
"C'est un prédateur sexuel", Ségolène Royal salue la condamnation de Nicolas Bedos pour agressions sexuelles play_circle
Société
"C'est un prédateur sexuel", Ségolène Royal salue la condamnation de Nicolas Bedos pour agressions sexuelles
24 octobre 2024
Les articles similaires
Procès de Mazan : "On ne dit pas aux hommes d'avoir honte d'être des hommes mais de condamner les violences", défend Caroline Fourest play_circle
Société
Procès de Mazan : "On ne dit pas aux hommes d'avoir honte d'être des hommes mais de condamner les violences", défend Caroline Fourest
24 septembre 2024
Gisèle Pélicot bientôt au Panthéon ? play_circle
Société
Gisèle Pélicot bientôt au Panthéon ?
24 octobre 2024
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde) play_circle
Société
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde)
25 septembre 2024
Dernières actualités
Un père accusé d'utiliser des sextoys sur son bébé de 6 mois : comment cette affaire rouvre le débat sur la protection des enfants face à l'inceste play_circle
Société
Un père accusé d'utiliser des sextoys sur son bébé de 6 mois : comment cette affaire rouvre le débat sur la protection des enfants face à l'inceste
22 novembre 2024
Ariana Grande et la chirurgie esthétique : Nez, seins, yeux...elle répond enfin aux rumeurs play_circle
people
Ariana Grande et la chirurgie esthétique : Nez, seins, yeux...elle répond enfin aux rumeurs
22 novembre 2024
Dernières news