Olivier Richomme : Il incarnait une rupture à différents niveaux. D’abord évidemment sur le style politique où en succédant à George Bush il a effectué un virage à 180 degrés, notamment par rapport à la politique étrangère menée sur la guerre en Irak, avec des prises de position qui tranchaient, même par rapport aux positions démocrates. De plus, il y avait un aspect symbolique fort de sa candidature de par sa biographie : Barack Obama n’est pas l’héritier d’une longue dynastie politique, il ne vient pas de l’une des plus riches familles des États-Unis et il a véhiculé une certaine histoire raciale des États-Unis à travers ses discours. À tous les niveaux, il incarnait le changement et il représente encore une exception dans la grande photo de famille des présidents américains. Reste que depuis qu’il est en place, il a forcément subi l’usure du pouvoir et il symbolise moins aujourd’hui cette image de rupture.
O.R. : Face à Mitt Romney, Barack Obama peut en effet à nouveau bénéficier de son image d’homme du changement : contrairement à son adversaire républicain, il n’est pas le fils d’un gouverneur, n’est pas multimillionnaire et reste l’incarnation de l’accession au pouvoir d’un homme noir. Reste que même s’il porte en lui le changement, Barack Obama ne peut pas faire une candidature sur la rupture étant donné qu’il a été en fonction pendant ces quatre dernières années. Il doit donc changer de cap : aujourd’hui les guerres en Irak et Afghanistan sont les siennes, la crise que traversent les États-Unis est la sienne également… Toute la difficulté pour lui sera de montrer qu’il n’a pas pu mettre en place les réformes souhaitées à cause de blocages institutionnels et de la mauvaise volonté des républicains. Il doit donc changer de stratégie par rapport à sa précédente campagne et convaincre les électeurs de ne pas retomber dans le camp politique de ceux qui ont mis le pays en difficulté il y a quatre ans. C’est un message difficile, mais si quelqu’un peut le porter aux États-Unis, c’est bien Barack Obama.
O.R. : Le principal blocage est venu de la perte en 2010 de la super majorité au Sénat qui lui était nécessaire : les négociations étaient bloquées, et il s’est heurté aux conservateurs purs et durs, qui n’ont pas voulu jouer le jeu du compromis politique.
O.R. : Je dirais le fait de ne pas avoir réussi à contrer le discours néo-conservateur sur la place de l’État aux USA. Malgré la réforme de l’assurance maladie qui entamait une perspective différente, Barack Obama a été incapable de vendre aux Américains ce discours sur le rôle d’un État plus interventionniste : il n’a pas su affronter directement les néo-conservateurs sur ce terrain, alors qu’il y avait une possibilité d’infléchir le discours majoritaire américain. D’un point de vue symbolique, cela aurait été important pour les progressistes et les démocrates.
O.R. : Selon moi, on peut en retenir deux : en politique intérieure, la réforme de l’assurance maladie, en politique extérieure, son changement de cap. Pour l’instant, il a géré cela plutôt bien, sans heurts, même si cela peut encore évoluer. Reste qu’on ne pourra juger ces deux points que sur le long terme. Je dirais également qu’il a simplement su redorer l’image des États-Unis depuis son élection, ce qui a permis de débloquer un certain nombre de situations délicates.
O.R. : Les relations entre la France et plus généralement l’Europe et les États-Unis sont stables, leur nature ne change que très peu d’un président à un autre : elles restent sereines. Mais en effet, on observe un recentrage des relations extérieures américaines vers l’Asie, notamment la Chine. L’Europe pèse de moins en moins au niveau stratégique et il faut s’habituer à ce que le président américain n’ait pas de relation privilégiée avec nous, tant que l’Europe ne saura se constituer en un seul et même interlocuteur de poids.
« Le bilan d’Obama », sous la direction d’Olivier Richomme et de Vincent Michelot, Sciences Po. Les Presses, 24€.
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