Mardi, la jeune femme tunisienne qui accuse deux policiers de l’avoir violée était convoquée devant un juge d’instruction avec son compagnon pour répondre aux accusations d’« outrage public à la pudeur ». Devant le bâtiment, à Tunis, un groupe de 500 personnes s’était rassemblé pour soutenir les victimes. Déjà samedi dernier, une manifestation avait eu lieu et les pancartes s’agitaient : « Dans mon pays, la police me viole, la justice m'accuse », pouvait-on lire sur l’une d’entre elles.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre, un couple de jeunes Tunisiens se trouve dans une voiture garée en ville, mais un peu à l’écart. Dans leur plainte, les victimes racontent que trois policiers sont arrivés et que l’un d’eux a emmené le jeune homme vers un distributeur de billets, le contraignant à retirer 300 dinars de cash (1500 €). Selon la jeune femme, les deux autres policiers restés auprès d’elle l’auraient violée sur la banquette arrière de la voiture.
L’affaire a suscité l’indignation de la population, qui dénonce chaque semaine de nouvelles exactions commises par la police. Les choses ont pris un tour beaucoup plus retentissant quand le couple s’est retrouvé accusé d’atteinte à la pudeur.
Selon le ministre de l’Intérieur tunisien et d’après le récit des policiers accusés, les jeunes gens auraient été trouvés dans une « position immorale », et seront poursuivis à ce titre. Celui-ci a dans le même temps condamné les actes des policiers, qui font l’objet d’une instruction et qui se trouvent en détention préventive. Ceux-ci nient le viol et ont même argué d’une relation « consentie » dans leur déposition.
Une manoeuvre pour discréditer la victime du viol
De leur côté, les victimes contestent la version des policiers. Leur avocate Emna Zahrouni voit dans cette manœuvre une « intimidation pour qu’ils retirent leur plainte », supposant qu’il y avait là « une manœuvre pernicieuse visant à jeter le discrédit sur une victime de viol ». Même analyse du côté des partis politiques démocrates, qui considèrent que le parti islamiste au pouvoir, Ennahda, encourage à remettre la faute sur la victime pour légitimer son viol. Les mêmes partis dénoncent régulièrement les mauvais traitements de la police sur des manifestants pacifistes.
Dans un communiqué diffusé mardi, la ministre française des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem a tenu à exprimer sa solidarité envers la jeune tunisienne violée par des policiers. Elle promet de contacter la ministre tunisienne des Affaires de la femme et de la famille, Sihem Badi, pour suivre l’affaire et soutenir la jeune femme. Saluant le courage de cette victime pour dénoncer ses agresseurs, la porte-parole du gouvernement estime dans ce communiqué que « les femmes tunisiennes, qui ont été aux avant-postes du Printemps arabe, ont un rôle particulier à jouer dans les transitions politiques, économiques et sociales en cours. Leur prise en compte dans les politiques de développement et de modernisation des pays arabes est essentielle. Leur dignité et leurs droits doivent être préservés. »
Crédit photo : AFP TV
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