Terrafemina : À peine réélu, quels vont être les premiers chantiers de Barack Obama ?
Olivier Richomme : Notons tout d’abord qu’étant donné que la chambre reste républicaine et que la majorité au Sénat est mince, Barack Obama se retrouve dans la même situation qu’il y a deux ans, à savoir face à un blocage institutionnel, une cohabitation à l’américaine en quelque sorte. Son plus gros chantier va démarrer en décembre-janvier, avec la question du déficit et de la réforme fiscale, qui donnera certainement lieu à un bras de fer avec l’opposition. Face à un parti républicain qui ne compte plus pour l’heure de leader, les démocrates ne vont pas trop savoir sur quel pied danser : il va être difficile de mener des négociations sans véritable chef de file républicain à qui s’adresser. Pour ce premier gros chantier qui va devoir décider de l’augmentation des impôts, et dans quelle mesure, et des coupes budgétaires à réaliser, la question se pose de savoir quel parti républicain va se présenter face à Obama.
O. R. : Pour ce second mandat, la gauche américaine aimerait bien que Barack Obama soit plus ferme vis-à-vis des républicains et ne cherche pas de compromis aussi facilement que par le passé. M. Obama est attendu au tournant sur ce point. Mais je suis dubitatif : le compromis reste son style politique, il va être difficile d’en changer. En pratique, il va devoir défendre de gros programmes comme la sécurité sociale et le système des retraites, qui représentent une grosse partie du budget et sont par excellence le symbole de l’État providence que les républicains vont s’empresser d’attaquer. On va vite pouvoir observer sur ces deux programmes si Obama va savoir mettre la pression sur le parti adverse ou bien s’il va rester dans la conciliation.
O. R. : Présenter Hillary Clinton aux élections de 2016 ? (rires). Sérieusement, durant sa campagne, Obama a mis en avant beaucoup de mesures représentatives de son combat pour les droits des femmes, qui ne sont pas forcément des prérogatives du président mais plutôt des décisions du ressort des États. Il a fait passer au début de son premier mandat un projet de loi visant l’égalité salariale, mais en règle générale, tout ce qui touche à la contraception ou à la parité ne se décide pas au niveau fédéral. Il était important que pendant la course à la réélection, Barack Obama insiste de manière symbolique sur de nombreuses mesures en faveur des femmes, même si cela ne se traduira pas forcément par des mesures concrètes : il insuffle ainsi une direction, une ligne de conduite pour les États américains, comme il a pu le faire au sujet du mariage gay.
Par ailleurs, notons que cette nuit la candidate démocrate du Wisconsin Tammy Baldwin a été élue au Sénat : elle est officiellement la première femme sénatrice ouvertement lesbienne. C’est à mon avis une grande avancée et qui va permettre de soulever de vrais débats. Cette élection dessine également une Amérique loin des clichés conservateurs que l’on peut lui attribuer.
O. R. : C’est la question à 100 000 dollars ! Il va certainement retourner dans le privé, ou dans tous les cas, comme cela se fait en règle générale aux États-Unis après une défaite, il va se retirer de la vie politique pour un certain temps. Mais derrière cette question se pose celle de l’avenir du parti républicain, un parti à la dérive, sans leader. Cela fait deux fois que les républicains nomment un modéré, après John McCain, Mitt Romney, et cela fait deux fois qu'il échoue aux élections. Il va forcément avoir la tentation de faire émerger un vrai conservateur pour la suite et non un modéré « déguisé » en conservateur. C’est une question centrale pour l’avenir politique des États-Unis : qui va prendre les rênes du parti et qui va s’agréger autour de cette nouvelle personne ?
* Olivier Richomme est également Maître de conférence en Civilisation américaine à l’Université Lyon 2.
Crédit photo : AFP
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