Ce n’est pas la première charge que Suzanne Venker balance sur le féminisme. Cette prof américaine, reconvertie en essayiste spécialiste de la famille, a déjà sévi dans plusieurs ouvrages au titre évocateur : « 7 mythes sur les femmes actives » (2004), qui nous explique pourquoi une carrière prenante est incompatible avec l’éducation d’un jeune enfant, « Féminisme, l’envers du décor » (2011), et plus récemment « Comment choisir un mari », qui traite des conséquences de la révolution sexuelle sur le mariage et la famille. Dans une tribune publiée sur le site d’information de la chaîne Fox News, l’auteur a rempilé en réaction à un chiffre diffusé par le très sérieux Pew Research Center à propos du mariage, en titrant : « The War on men » (« La Guerre déclarée aux hommes »).
Selon ces statistiques, les femmes américaines seraient de plus en plus demandeuses et attachées à l’institution du mariage : 37% pensent que faire un bon mariage est une des choses les plus importantes de leur vie, soit 9 points de plus qu’en 1997. Du côté des hommes, c’est exactement le contraire : 29% pensent au mariage comme un objectif de vie, contre 35% en 1997. Suzanne Venker en tire des conclusions sévères vis-à-vis des femmes, « qui ne sont plus des femmes ». Elles auraient « dramatiquement changé ». « Les femmes sont en colère, elles sont sur la défensive, sans vraiment en avoir conscience. C’est parce qu’elles ont été élevées en considérant les hommes comme des ennemis. Armées de cette nouvelle attitude, les femmes ont poussé les hommes de leur piédestal (les femmes avaient leur propre piédestal, mais les féministes les ont convaincues du contraire) et ont grimpé dessus pour prendre ce qu’elles estimaient leur revenir de droit. »
On imagine la douche froide pour les féministes américaines, qui lisent quelques lignes plus loin que leur lobby a contaminé tous les médias, pire, d’avoir rendu les hommes irresponsables, « flemmards », incapables de protéger le foyer et de subvenir aux besoins d’une famille, une mission « qui fait partie de leur ADN », se justifie l’auteur. Il ne tient donc qu’aux femmes de rétablir l’équilibre juste, et de revenir à leur « véritable nature », leur « féminité » : faire des enfants et rester à la maison.
Droit de réponse
En réponse aux très nombreuses réactions à cet article, Suzanne Venker revendique autant de messages de soutien que de haine, et s’étonne que les femmes qui sont d’accord avec elles n’osent pas le dire publiquement. Elle touche là du doigt un sujet autrement plus intéressant que les thèses rétrogrades mentionnées plus haut, et auxquelles on ne répondra pas ici tant les arguments coulent de source (s’il n’en fallait qu’un, le salaire des femmes n’est pas un luxe que les foyers se permettent pour divertir madame, mais un besoin pour la plupart des ménages, en particulier aux États-Unis). Ce sujet, c’est la peur du féminisme, voire l’anti-féminisme, et la méconnaissance de celui-ci. C’est bien à cause de points de vue réducteurs comme celui de Suzanne Venker que l’opinion continue de croire que le féminisme s’impose forcément comme une remise en question du masculin et de sa valeur. Le féminisme moderne, avec la complicité des hommes, apprécie davantage la complémentarité et l’interaction des rôles masculins et féminins. Puisque, plus que jamais, les hommes ne sont pas contre casser quelques codes sur la virilité et l’image du « pater familias » qui remplit les caisses mais ne sait pas faire couler le bain pour ses enfants.
Crédit photo : Facebook/Suzanne Venker
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