Reza : Dès mon premier reportage en zone de guerre, j’ai compris que j’avais la responsabilité en tant que témoin de dénoncer les injustices sociales. Il fallait que je rende compte, même si ce n’était pas une nouveauté, que les femmes étaient les premières victimes des conflits. Comme la mairie du IXe arrondissement de Paris m’a proposé une exposition en mars, j’ai saisi l’occasion du 8 mars (Journée internationale pour les droits des femmes) pour proposer mes photos qui dénoncent la condition des femmes dans les pays en guerre et montrer leurs combats.
Reza : C’est très compliqué de choisir, surtout parmi 1,4 million de photos ! Je les ai sélectionnées parmi plusieurs photoreportages que j’ai effectués dans les dernières décennies. En fait, cette vingtaine de clichés est extraite d’un ensemble de soixante qui forme une grosse exposition agrémentée de quelques montages multimédias courts. Ces photos exposées présentent un équilibre entre « luttes et grâce », le thème principal de l’exposition, souvent à l’intérieur d’une même photo. C’est le cas pour la photo d’une femme de dos qui porte une burqa. Mais alors que généralement cette tenue est représentée noire, austère et de face, j’ai choisi de la photographier de dos, jaune et sur le point d’être enlevée, comme si la femme qui la portait était en train de s’en libérer. Toutes les photos exposées sont complémentaires comme si en entrant dans l’exposition, on entrait dans un univers uni. Chaque photo est un mot et, ensemble, elles forment une phrase, ou elles sont plusieurs chapitres d’un même livre.
Reza : Elles proviennent de plusieurs pays : du Cambodge, de l’Afghanistan, du Pakistan, d’Algérie, du Rwanda, du Botswana mais aussi de France. Chacune a son histoire. Leur point commun, c’est d’aborder un angle original que le public n’a pas l’habitude de voir. Je laisse également une large place à l’harmonie des couleurs pour que ces photos soient attractives pour l’œil, débloquent une émotion, comme un travail artistique. Je suis un artiste qui témoigne de la situation des femmes dans les zones de conflit, là où les peuples n’ont pas de voix.
Reza : J’ai voulu promouvoir la formation des femmes dans les zones de guerre car je pense que c’est un moyen de faire progresser les mentalités et l’humanité. Nous avons débuté en Afghanistan parce qu’en 2001, c’était l’endroit le plus sinistré. Ce fut notre laboratoire de projets. Depuis, des femmes du Sri Lanka, d’Ouganda, d’Irak, du Bangladesh ont été formées au métier de journaliste, de documentariste ou de réalisatrice. Nous menons aussi des actions en Italie et en France, notamment à Toulouse ou en région parisienne. Parce que dans certaines de nos banlieues, c’est pire que Kaboul. Pour toutes les sociétés civiles endommagées, je pense que les médias et les images sont un très bon moyen de guérison.
Exposition « Femmes entre luttes et grâce » à la mairie du IXe arrondissement de Paris du 8 mars à la mi-avril
Crédit photo : Mark Thiessen / National Geographic
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