Alors que La Religieuse, roman à la première personne de Diderot qui relate l’enfermement de force d’une jeune fille qu’il s’agit de « remettre dans le droit chemin », vient juste d’être porté à l’écran, on ne peut qu’établir un parallèle avec l’histoire d’Amina Tyler. Cette étudiante de 19 ans, qui s’est engagée pour importer le mouvement sextrémiste Femen en Tunisie, n’a pas été jetée dans un couvent, mais serait la prisonnière de sa propre famille depuis près de trois semaines. D’après la journaliste proche des Femen Caroline Fourest, qui publiait mercredi une tribune dans le Huffington Post, l’étudiante aurait été mise contre son gré sous camisole chimique.
Conformément au mode d’action du groupe féministe né en Ukraine, Amina Tyler s’était illustrée en postant des photos d’elle seins nus sur Facebook : sur l’une elle portait sur sa poitrine l’inscription « F**ck your morals », sur l’autre « Mon corps m'appartient, il n'est l'honneur de personne ». Sa participation à une émission de télévision très populaire en Tunisie n’a fait qu’attiser la colère des religieux et de sa famille. L’une de ses tantes aurait ainsi appelé à dénoncer la « psychopathe » à la police. Amina se cache chez des amis et demande l’aide des Femen. C’est alors qu’elle n’a plus donné de nouvelles, est devenue injoignable pour ses proches inquiets. Jusqu’à ce qu’une vidéo postée sur le Net ne vienne confirmer la thèse de l’enlèvement, revendiqué par sa tante qui prétend faire soigner sa folie et qui appelle les frères musulmans à lutter contre « la drogue et la pornographie ».
Une journaliste de Marianne serait néanmoins parvenue à s’entretenir avec la jeune femme, le 27 mars dernier. Affaiblie mais ferme dans son engagement auprès des Femen, Amina Tyler aurait confié avoir été enlevée et brutalisée par un cousin. Elle aurait fait part de son souhait de retrouver sa liberté pour retourner à l’école.
Une journée internationale de soutien est organisée ce jeudi 4 avril à l’initiative de Maryam Namazie, Iranienne réfugiée à Londres, une pétition sur change.org lancée en Amérique latine a par ailleurs recueilli plus de 100 000 signatures. Les Femen appellent de leur côté tous les sympathisants à la cause d’Amina à enlever le haut sur Facebook. La branche française de Femen a quant à elle manifesté son soutien à la tunisienne en brûlant un drapeau salafiste devant la Mosquée de Paris mercredi après-midi. Dans une tribune parue dans le journal Libération (édition du 3 avril), un groupe de féministes et de membres d’associations antiracistes exigent l’ouverture d’une enquête internationale pour éclaircir les circonstances de la disparition d’Amina. « Une jeune femme majeure peut-elle être retenue même par sa famille "qui ne souhaiterait que son bien" » ? interrogent les signataires, qui rappellent que « déclarer folles ou fous, toutes celles et ceux qui osent emprunter des voies nouvelles dans la conquête de la démocratie, est une vieille rhétorique qui, pour avoir fait long feu, n’a pas fait ses preuves ». Une rhétorique au moins aussi vieille que le roman de Diderot.
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