Atsuko Suzuki, journaliste pour le quotidien japonais Mainichi Shimbun, a enquêté sur les « otoko no ko », soit « jeunes filles-garçons ». Des Japonais qui ne souffrent pas de troubles de l’identité sexuelles et vivent leur vie d’homme, entre emploi et famille, mais se travestissent pendant leur temps libre, rapporte Courrier International. Ils considèrent la société japonaise comme « invivable » pour les hommes, et aiment oublier leur condition masculine le temps d’une soirée, en enfilant robes glamour et colliers de perles.
Talons hauts, beaux vêtements et maquillage, les otoko no ko se parent de leurs plus beaux atours, ou ceux de leur femme, pour se rendre aux soirées Propaganda, qui réunissent régulièrement des centaines de personnes dans le quartier de Shinjuku. C’est l’occasion pour ces hommes de se réunir entre eux pour parler lingerie et autres joyeusetés considérées comme réservées aux femmes. Le journaliste Atsuko Suzuki y a rencontré des hommes de différents milieux, allant du cadre dans une entreprise prestigieuse à l’employé précaire. Pour l’un d’entre eux, se travestir permet d’oublier le quotidien : « Je garde toujours mon air sérieux au bureau, alors tant qu’à faire je veux m’éclater à être une femme sans retenue », confie un participant. Pour certains, c’est un moyen d’explorer une « facette de leur personnalité », ou de s’exprimer, comme l’affirme Shun Aranami, adepte du travestissement.
Junko Mitsuhashi, spécialiste du travestissement elle-même travestie, analyse : « Pour notre génération, la répartition des rôles entre hommes et femmes est encore très marquée. Certains hommes souffrent de devoir se comporter virilement. » Un homme interrogé semble nourrir une jalousie à l’encontre des femmes. Il explique qu’en se grimant, il a l’impression d’être « promu à un rang supérieur ». Un autre déplore que les hommes doivent être « plus dynamiques au travail » et « se consacrer à leur carrière ». Une pression renforcée par la crise qui deviendrait insupportable pour ces Japonais. Une inversion des rôles temporaires leur permet de fuir leur quotidien. Yuki Yoshino, habitué des soirées Propaganza, déclare ainsi « profiter à la fois des bons côtés des hommes et des femmes ».
Le travestissement n’est plus considérée comme une « déchéance », c’est une pratique de moins en moins secrète. En 2009, un magazine dédié aux otoko no ko voit le jour, et de plus en plus de personnalité s’affichent travesties à la télévision. Les femmes auraient aussi moins d’attentes quant à la virilité de leur partenaire. Et que pensent ces femmes de travestis ? Un homme confie que son épouse l’autorise à se travestir, trouvant cela « plus supportable que d’être trompée ». Un autre intéressé raconte même choisir ses vêtements de femme avec sa petite amie.
En cherchant à devenir des femmes le temps d’une séance de déguisement, ces hommes avouent rechercher un peu de liberté et échapper à la pression. Considèrent-ils dès lors les femmes comme des personnes en vacances permanentes, chanceuses de pouvoir être soutenues financièrement et destinées à parler chiffon avec leurs congénères ? Un autre évoque sa situation de travesti intermittent : « Je ne veux pas être une femme, de toutes façons, travailler me convient mieux ». À le croire, le mot « femme » serait donc inéluctablement suivi de « au foyer ». C’est un homme interviewée qui met le doigt sur le problème, déclarant trouver que « la société actuelle gâte trop les femmes ». Un homme interrogé reste néanmoins réaliste : « Je préfère être père. Être mère suppose des tas de désagréments ». Ben voyons !
Victoria Houssay
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