Gökben Akyurt, 30 ans, formée dans des universités turques et anglaises, analyste pour une entreprise belge, « est descendue dans les rue dès que le mouvement a commencé, participant aux manifestations pour la justice, le respect, et la liberté ». Pendant ces manifestations, elle et ses amies n’ont dormi qu’une à deux heures par nuit, tout en continuant à aller travailler tôt le matin. Elles étaient entourées de leurs mères, grands-mères, sœurs et filles. Et elles n'étaient pas seules : selon l’institut de recherche Konda et Conseils, 50.9% des manifestants turcs étaient des femmes.
« Ce chiffre montre le courage des femmes turques et leur désir de lutter pour la liberté, malgré la violence des policiers », explique Gökben Akyurt. Et alors que les manifestations soient en grande partie terminées, la jeune femme sait qu’il reste beaucoup à faire pour engager de vrais changements et les pérenniser : « L'étape suivante c'est que les gens doivent s’organiser pour la prochaine élection présidentielle (en 2014) pour faire gagner un parti qui s’oppose aux régime actuel. » Optimiste, elle pense que les forums démocratiques permettront la naissance de ce parti. Jusqu’à aujourd’hui, l’obstacle majeur pour les manifestantes semble avoir été en effet la désorganisation.
Gökben veut croire que les femmes s’investiront massivement dans ce nouveau parti, et que l’oppression qu’elles ont vécue prendra fin. « Les femmes turques veulent du respect, de l’égalité, et se faire entendre ! Nous voulons la démocratie ! Nous voulons l’éducation ! Nous voulons les mêmes droits que les hommes, pas seulement dans les grandes villes, mais dans chaque petit village, les femmes là-bas aussi doivent avoir ces droits. »
Ces dernières années en Turquie, les droits de femmes ont été réduits petit à petit par le gouvernement. L’été dernier, ce n’est qu’après plusieurs manifestations de masse que les politiques conservateurs ont renoncé à interdire complètement l’avortement. Encore plus inquiétant, en 2011, 26 hommes accusés d’avoir violé une fille de 13 ans s’en sont sortis avec des peines de prison réduites parce que la jeune adolescente avait donné son « consentement. »
Gökben est persuadée que les années d’oppression des femmes appartiennent au passé. « À long terme, nous ferons tout pour atteindre nos objectifs », annonce-t-elle. « Nous ne voulons pas devenir une deuxième Iran. »
Malcolm Salovaara