Tina Brown n’a pas connu que des succès au cours de ses trente années de carrière dans les médias. Dans les années 2000, elle crée Talk magazine dont l’activité a cessé après moins de trois ans de vie. Dans une interview accordée à CNN International avec la journaliste Isha Sesay, elle revient sur son parcours sans langue de bois : « S’il y a une chose que j’ai retenu c’est d’être très vigilant avant de quitter un projet qui fonctionne pour se lancer dans l’inconnu. Parce qu’on peut vraiment se planter et c’est ce qui m’est arrivé », confie-t-elle. Pourtant, l’audace et la créativité font partie de son ADN de dirigeante. C’est elle par exemple qui est à l’origine de la couverture devenue culte du Vanity Fair présentant l’actrice Demi Moore nue et enceinte, en 1991. « Cette couverture a été faite parce que j’étais enceinte à l’époque et je me sentais assez rebelle par rapport aux vêtements. Ça a été un bon risque à prendre parce que le magazine s’est très bien vendu. Et c’est d’ailleurs devenu une couverture mythique pour les femmes. » Tina Brown a d’ailleurs étendu son influence au-delà des médias imprimés et des médias numériques. Il y a quatre ans, elle a entrepris un défi des plus ambitieux en organisant le premier Women of the World Summit. Un rassemblement mondial qui réunit des femmes et des stars pour éclairer et alerter sur des questions qui touchent les femmes du monde entier.
Interview exclusive de Tina Brown, programme « Leading Women » sur CNN International :
Isha Sesay (CNN International) : Est-ce naturel pour vous de prendre des risques?
Tina Brown : Oui, malheureusement prendre des risques me vient très facilement. J’appelle ça être sans pitié et ça m’arrive de temps à autre. Donc vous savez, ça m’arrive même de l’être maintenant, et parfois je dois me retenir un peu et me dire « attends une minute, fais attention parce que tu sais que tu peux tout perdre ».
T. B. : Comme vous le savez je gère The Daily Beast et Newsweek Global, qui est la nouvelle version digitale de Newsweek. Nous sommes une entreprise digitale, très portée sur les informations, les breaking news, nous créons l’info, nous donnons des pistes de réflexion sur les faits d’actualité…
T. B. : Mon rêve a tout d’abord été celui de venir vivre aux Etats Unis et d’être rédactrice en chef. J’étais captivée par les anciennes éditions des Vanity Fair des années 20 et les New Yorker des années 30. C’était mon rêve et je crois que si j’avais su à l’époque que j’allais habiter à New York et que j’allais présenter Hillary Clinton au monde entier pendant le sommet mondial des femmes… Ce sont des choses que je n’aurais jamais osé imaginer. Je n’y ai jamais vraiment cru. Donc je suis chanceuse dans ce sens, je m’en rends très bien compte (…) Beaucoup de jeunes viennent à nous et n’ont aucune formation journalistique, donc la plupart d’entre eux ont soif d’apprendre et d’être formés parce qu’ils ont l’impression de ne pas avoir suffisamment été instruits. Donc nous essayons de les former ici.
T. B. : C’est le 11-septembre qui m’a rendue américaine. J’ai été très choquée par ces attaques dirigées vers cette terre d’accueil et ce peuple américain, pourtant si généreux. Ces événements ont complètement bouleversé les esprits. Je me suis dit que ce pays m’importait tellement plus que mon propre pays… Et maintenant c’est devenu mon pays et j’aime vraiment habiter ici. Et même si mon héritage Britannique me tient toujours à cœur je me sens malgré tout plus américaine et mes enfants sont américains.
T. B. : Je crois que c’est un concept qui s’est épuisé. J’ai deux enfants, je les ai bien élevés. J’ai un travail. Il n’y a pas de solution miracle. La plupart du temps, c’est l’enfer. C’est le bazar. Avoir un travail à temps plein et des enfants c’est juste une pagaille pas possible. Et ça le sera toujours. Il faut improviser, raccommoder les morceaux et se faire aider (...) J’aimerais être vue comme quelqu’un qui a innové, qui a changé les codes et qui a contribué au journalisme avec de très bons écrivains. Ça a toujours été ce que j’ai voulu accomplir.