« Allez-y, mariez-moi de force et je me tuerai ! […] Que faites-vous de l'innocence des enfants ? Qu'ont-ils fait de mal ? Pourquoi les marier ainsi de force ? » Le 8 juillet dernier, était postée sur YouTube une vidéo qui a depuis émue des millions d'internautes. On y découvrait Nada al-Ahdal, une jeune Yéménite qui y affirme s'être enfuie de chez elle pour échapper au mariage arrangé par ses parents avec un homme plus âgé. Déconcertante de maturité du haut de ses onze ans, elle y menace de mettre fin à ses jours et déclame, durant près de trois minutes, des arguments que l'on entend généralement dans la bouche de féministes bien plus âgées qu'elles : les jeunes filles aussi ont droit à l'éducation et de décider elles-mêmes de leur destin.
Pourtant, des révélations de CNN viennent semer le trouble sur l'authenticité du message délivré par Nada. Dans une vidéo postée par la chaîne américaine, on découvre la jeune fille, aujourd'hui réfugiée chez son oncle Abdel Salam al-Ahdal qui l'autorise à poursuivre ses études. On y voit aussi pour la première fois le visage de ses parents, qui nient avoir voulu la forcer à se marier avec un Yéménite résidant en Arabie Saoudite. Une version que semble croire Seyaj, une ONG locale pour les droits des enfants, qui elle aussi doute de la véracité de l'histoire racontée par Nada et son oncle.
Après que celle-ci a fait le tour du monde via YouTube, s'est tenue dans la maison de l'oncle de Nada une tentative de réconciliation entre la jeune fille et ses parents. Filmée par CNN, la réunion s'est tenue sous l'autorité d'une médiatrice, la présidente de l'Union des femmes yéménites, Ramzia Al-Eryani. Devant les caméras, celle-ci explique : « Nous devons protéger cet enfant », avant d'ajouter : « Je ne me soucie pas de ce qui est mieux pour sa mère, pour son père ou pour son oncle, je veux juste savoir ce qui est le mieux pour la jeune fille. » Pourtant, elle aussi semble souscrire à la version des parents de Nada. La petite fille, en pleurs, lui demande alors : « Pourquoi les croyez-vous eux et ne me croyez-pas ? »
La rencontre entre Nada et ses parents a néanmoins abouti à un accord à l'amiable. Si la jeune fille maintient que son histoire est vraie, tous ont néanmoins accepté de vivre ensemble dans la maison de l'oncle de Nada. Celle-ci ne sera donc pas contrainte de se marier de force et pourra continuer d'aller à l'école. C'est madame Al-Eryani qui, en gage de bonne tenue de l'accord, a été nommée tutrice temporaire de Nada.
Que l'histoire de la petite fille soit vraie ou non, elle aura permis de mettre en lumière le traitement des femmes dans ce pays de la péninsule d'Arabie où dominent la charia et les droits tribaux. Elle a aussi permis de raviver l'attention des médias internationaux et des groupes de défense des droits de l'homme sur le mariage forcé des enfants au Yémen. Selon un rapport publié en 2010 par le ministère des Affaires sociales yéménite, plus d'un quart des jeunes femmes sont mariées avant l'âge de 15 ans.
Sanele, 8 ans, et Helen, 61 ans, se sont mariés en Afrique du Sud
Mariages forcés : quinze propositions pour mieux protéger les femmes
Être une femme au Yémen
Malala : un chef taliban regrette son agression