Avant de quitter les Femen, Amina Sboui n'a pas pris la peine de prévenir ses anciennes amies féministes qu'elle se dissociait de leur mouvement. Leur leader, Inna Shevchenko et les autres sextrémistes l'ont sans doute appris ce matin par la presse. C'est en tout cas ce que soutient Amina dans l'entretien exclusif qu'elle a accordé au Huff Post Maghreb publié ce mardi 20 août. La jeune femme de 19 ans y explique pourquoi elle a décidé de quitter définitivement le mouvement des Femen.
Libérée le 1er août dernier de la prison pour femmes de Messaâdine où elle était détenue depuis la mi-mai pour avoir tagué le mot « Femen » sur le muret d'un cimetière à Kairouan en marge d'un rassemblement salafiste, Amina Sboui ne souhaite désormais plus que son nom soit associée à celui du mouvement féministe venu d'Ukraine. À l'origine de sa désolidarisation ? Le caractère « islamophobe » et les actions coup de poing du mouvement, qui ont eu pour cible des institutions ou des édifices religieux. « Je ne veux pas que mon nom soit associé à une organisation islamophobe. Je n'ai pas apprécié l'action où les filles criaient "Amina Akbar, Femen Akbar" devant l'ambassade de Tunisie en France, ou quand elles ont brûlé le drapeau du Tawhid devant la mosquée de Paris. Cela a touché beaucoup de musulmans et beaucoup de mes proches. Il faut respecter la religion de chacun. »
Amina pointe aussi du doigt l'opacité des « sources du financement du mouvement ». « J'ai demandé à plusieurs reprises à Inna [Inna Shevchenko, leader ukrainienne du mouvement, ndlr] mais je n'ai pas eu de réponses claires. » Expliquant qu'elle ne souhaitait pas être « dans un mouvement où il y a de l'argent douteux », Amina avance même « Et si c'était Israël qui finançait ? Je veux savoir ».
Dans son entretien au Huff Post, Amina évoque aussi les actions en Tunisie menées par les Femen. Si elle tient à les « remercier de l'avoir soutenue », et « surtout Josephine, Marguerite et Pauline qui ont dû faire de la prison ici », la jeune femme se montre aussi sévère avec les actions menées par les sextrémistes : « Il y a eu de bonnes actions mais pas toutes. Elles auraient dû se renseigner auprès de mes avocats avant de faire certaines actions. Cela a aggravé mon cas. Un autre chef d'inculpation, "association de malfaiteurs", a été émis à mon encontre alors que j'étais en prison. »
Toutefois, précise Amina, son combat pour les femmes en Tunisie n'est pas pour autant terminé. Elle évoque d'ailleurs la possibilité de rejoindre un autre mouvement féministe, Feminism Attack, avec qui elle a déjà eu des contacts. Actif depuis peu en Tunisie, le groupe Feminism Attack serait, d'après les médias, à tendance libertaire et anarchiste. Une nouvelle orientation qui sied parfaitement à Amina, qui explique que, sur la dernière photo d'elle seins nus apparue sur le web, c'est un « A » anarchiste qui est inscrit sur son corps, et non le mot « Femen » comme précédemment. « Pour moi le problème en Tunisie n'est pas le parti Ennahdha ou la personne de Rached Ghannouchi [le leader du parti islamiste, ndlr], le problème c'est tout le système. […] Mon problème n'est pas de pouvoir porter une minijupe ici. Je sais que je pourrai toujours le faire. Mais que demain, une femme puisse devenir présidente de la République, que dans les milieux ruraux, les femmes ne soient pas celles qui souffrent le plus. »
Contactée par le Huffington Post, la leader des Femen Inna Shevchenko a vivement réagi au départ d'Amina. Considérant celle-ci comme « une héroïne », « cassée par la prison, brisée par le combat », elle réfute toutefois les allégations de la féministe tunisienne selon lesquelles Femen serait une organisation « islamophobe ». Pire, la décision d'Amina est une trahison envers ses consœurs féministes. « En qualifiant les actions Femen de contre-productives, elle trahit les milliers de femmes qui se sont déshabillées à travers le monde pour la soutenir [...] Avec cette décision, Amina joue le jeu des islamistes, qui présenteront cette décision comme une repentance de ses actions et l'utiliseront contre d'autres femmes dans d'autres pays. »