En Albanie, on les appelle « Burneshas » ou « Sworn Virgins » (littéralement : « Vierges sous serment »). Ces femmes ont renoncé depuis leur plus jeune âge à leur sexe et à tout ce qui le caractérise, pour devenir des hommes à part entière. Mais il n’est pas question de sexualité transgenre ou d’opération chirurgicale ici, les travesties choisissent l’autre sexe pour obtenir leur liberté.
La photographe américaine Jill Peters a immortalisé cette pratique très ancienne dans une série de portraits réalisée dans les montagnes albanaises. C’est pour éviter de se soumettre aux codes très machistes des villages et clans albanais, selon lesquels la femme est la propriété de son époux, que des femmes décident de vivre leur vie sous une identité masculine. « Le droit de voter, conduire, travailler et gagner de l’argent, boire, fumer, posséder une arme ou porter des pantalons était réservé exclusivement aux hommes par tradition », explique la photographe. Devenir une « vierge sous serment » a longtemps constitué la seule alternative au mariage forcé et à la soumission pour les Albanaises : « pour marquer la transformation, ces femmes coupent leurs cheveux, portent des vêtements d’hommes, et changent même parfois de nom ». Mais le plus important, souligne Jill Peters, est qu’elle font vœu de célibat et de chasteté pour le reste de leur vie, renonçant de fait à avoir des enfants…
Cette pratique, de plus en plus rare à mesure que le pays se modernise, aurait encore cours dans les villages les plus reculés d’Albanie, mais également dans des pays slaves comme la Serbie, le Monténégro, le Kosovo et quelques régions de Dalmatie. Avant que les « Burneshas » ne disparaissent tout à fait, Jill Peters a livré avec ses clichés un témoignage intéressant sur l’aura et le respect qui entourent ces femmes dans leurs communautés : « Elles sont douées d’un très haut degré de force et de fierté, et n’estiment rien plus que l’honneur de leur famille. Leur changement de sexe est tout à fait accepté et pris en compte par leur entourage. Mais le plus surprenant, c’est qu’elles ont peu de regrets malgré les sacrifices qu’elles ont consenti. »