Parce qu'elle est détenue, depuis plus d'un an, dans un camp de travail aux conditions insupportables et dégradantes, l'une des membres des Pussy Riot Nadejda Tolokonnikova a annoncé, ce lundi 23 septembre, entamer une grève de la faim. « C'est une méthode extrême, mais j'ai la conviction que c'est la seule issue pour moi dans cette situation », écrit-elle, avant de déclarer qu'elle n'y mettra un terme que lorsque « l'administration pénitentiaire [observera] la loi et [cessera] de traiter les femmes emprisonnées comme du bétail ». « J'exige que l'on nous traite comme des personnes humaines, et non comme des esclaves », a-t-elle ajouté.
Condamnée à deux ans de bagne l'an dernier pour avoir, le 21 février 2012, fait une « prière punk » contre Vladimir Poutine en compagnie de quatre autres activistes dans une cathédrale de Moscou, Nadejda Tolokonnikova, 23 ans, est depuis retenue dans un camp de travail en Mordovie. Dans une lettre confiée à son avocate, et que celui-ci a diffusée auprès de la presse, la jeune femme dénonce les conditions de détention proches de l' « esclavage » qu'elle et les autres détenues doivent supporter. Dans son courrier, elle revient longuement sur les conditions de vie au camp de travail pour femmes n°14 où elle est emprisonnée : humiliations quotidiennes, privation de sommeil, journées de travail allant parfois jusqu'à 16 ou 17 heures, auxquelles s'ajoutent le manque d'hygiène, qui fait que « les détenues se sentent comme des animaux sales et dénués de droits ».
Elle explique notamment qu'elle et les autres détenues de sa « brigade », chargée de coudre des uniformes de police, commencent régulièrement leur journée de travail à 7h30 du matin pour la finir passé minuit, avec seulement quatre heures de sommeil et un jour de repos tous les mois et demi. Les détenues sont nourries de « pain rassis, de lait largement coupé d'eau, de semoule abîmée et de pommes de terre pourries ».
Pourtant, estime Nadejda Tolokonnikova, elle a jusqu'ici été mieux traitée que les autres prisonnières, « du fait de sa notoriété ». « Les autres sont battues. Dans les reins, au visage. Ce sont des détenues elles-mêmes qui frappent, [mais] mais pas un passage à tabac ne se fait sans l'assentiment de l'administration. »
Dans sa lettre, la jeune femme relate qu'une prisonnière tsigane a été battue à mort il y a un an et que la cause de son décès a été maquillée en une rupture d'anévrisme. Une autre a dû être amputée d'une jambe et des doigts de la main après qu'on l'eut obligée à rester des heures à l'extérieur.
« Le régime dans le camp est fait de telle manière que l'anéantissement de l'individu et sa transformation en esclave silencieux sont réalisés par les détenues elles-mêmes, celles qui sont chef de brigade et reçoivent des ordres de la direction », analyse-t-elle.
Dans une lettre séparée, cette fois-ci adressé à la justice russe et au délégué aux droits de l'Homme Vladimir Loukine, Nadejda Tolokonnikova fait état des menaces de mort dont elle a été victime. Accusant le directeur adjoint du camp, Louri Kouprionov, d'en être l'auteur, la Pussy Riot affirme que ce dernier a menacé de la tuer si elle n'arrêtait de se plaindre des conditions de détention et de travail.
Malgré le travail de son avocat, et même si les conditions insalubres qu'elle décrit son avérées, pas sûr, pour Nadejda Tolokonnikova, que sa grève de la faim connaisse une issue favorable. Dans un communiqué, le Service russe de l'exécution des peine a d'ores et déjà rejeté toutes les accusations de la jeune femme et affirmé que son avocate et son mari avaient tenté d'exercer un « chantage » pour qu'elle bénéficie d'un traitement de faveur à l'intérieur du camp.
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