Le 23 décembre dernier, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, les deux Pussy Riot condamnées en février 2012 à deux ans de prison pour avoir chanté une « prière punk » anti-Poutine dans une cathédrale de Moscou, ont bénéficié d'une amnistie du gouvernement russe et été libérées. Dix jours après avoir recouvré la liberté, elles se sont confiées dans les colonnes du magazine Elle sur leurs conditions de détention et leurs projets pour changer la Russie. Car les ex-prisonnières n'ont rien perdu de leur militantisme. D'ailleurs, à sa sortie de prison, Nadejda Tolokonnikova avait estimé devant les caméras de télévision que les mois passés en détention n'avaient pas été du « temps perdu » mais qu'ils lui avaient permis de voir une « petite machine totalitaire de l'intérieur ».
Des années dont la jeune femme réaffirme une nouvelle fois le caractère profitable. « L'essentiel est de comprendre que la vie ne se termine pas lorsqu'on se retrouve en prison. Quand on lutte contre un système aussi répressif que celui-ci, on se sent fort et on comprend que la vie en détention a un sens ». Pour autant, cette détention n'a été une partie de plaisir ni pour l'une ni pour l'autre. « Quand je me suis retrouvée dans mon premier camp de détention, dans la région de Perm, je me suis plainte à l'administration pénitentiaire et j'ai demandé à des défenseurs des droits de l'homme de venir de Moscou pour contrôler la situation dans mon camp. Ils sont venus, ils ont constaté des violations des droits des détenues », raconte ainsi Maria Alekhina. Et de dénoncer : « Quand ils sont partis, l'administration pénitentiaire, pour se venger, a donné l'ordre de me forcer à subir un examen gynécologique après chaque visite de mon avocat. C'était humiliant et ça me faisait très mal ».
Et c'est en trouvant du soutien auprès des autres détenues, de leur famille mais aussi d'anonymes que ces deux membres des Pussy Riot ont, l'une et l'autre, réussi à surmonter les privations et les difficultés dues à leur emprisonnement. « Le plus important a été le soutien de mes proches, de mes amis et des milliers de gens inconnus en Russie et en Occident. Je recevais beaucoup de lettres et cela m'a donné des forces. Grâce à ce soutien, je suis restée libre en prison », confie Maria Alekhina, tandis que son acolyte profite de l'entretien pour remercier les détenues de son camp de Mordovie. « Elles étaient prêtes à témoigner, à soutenir mes déclarations et même à entamer une grève de la faim. Par solidarité, ces femmes ont risqué de terribles répressions, de se retrouver en cachot isolé. » Les deux femmes n'oublient pas non plus la mobilisation internationale qui n'a pas faiblit pendant leur détention. « Nous remercions beaucoup toutes celles et tous ceux qui, pendant ces deux années, ne nous ont pas oubliées. Grâce à leur soutien, nous sommes parvenues à attirer l'attention sur les problèmes du goulag russe. »
Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina ont par ailleurs d'ores et déjà fait savoir qu'elles allaient s'associer pour défendre, ensemble, les droits des détenues qui sont « terriblement bafoués » selon Maria Alekhina. « Ces femmes ont besoin de nous. Elles attendent notre aide ». Quant à l'éventualité d'une reformation des Pussy Riot, les deux femmes ne l'écartent pas mais confie qu'aucune annonce ne sera faite au préalable si une action était organisée. « Pussy Riot est un groupe anonyme. Celles qui font partie de ce groupe ne montrent pas leur visage. Si on participait à une action de groupe, on le ferait dans l'anonymat absolu ».