« Je suis une grande femme. Je peux faire ce que je veux. » Le message de Ms Carter dans sa chanson « Grown Woman » ne peut être un peu plus clair. De ses débuts dans le girls band Destiny’s Child à la chanteuse solo mondialement reconnue qu'elle est aujourd’hui, Beyoncé est le symbole de la réussite afro-américaine. Le magazine OUT lui fait honneur en la mettant à la Une de son édition de mai. Seins nus et affublée d’une perruque à la Marilyn Monroe, elle parle ouvertement de sa sexualité et conseille aux femmes d'en faire de même. Ce n'est pas la première fois que la maman de Blue Ivy tient ce discours.
Ses paroles dans le magazine font écho à son (très court) appel lancé dans Shriver Report pour l’égalité des genres le 12 janvier 2014.
Mais oubliez cette tribune peu originale intitulée « L’égalité des genres est un mythe ! ». Son message pour les femmes, l'épouse de Jay-Z le chante mieux qu'elle l'écrit. Dans « Independent Women », en 2000, elle prônait l’indépendance financière. On se souvient aussi de l'hymne amazonien « Run the World (Girl) ». Mais la chanson la plus emblématique de son combat, c'est sans aucun doute le fracassant « ***Flawless » dans lequel Ms Carter avait glissé un extrait de « Nous devrions toutes être féministes », discours de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. L'un des passages dit ainsi : « On apprend aux filles "Tu peux avoir de l’ambition, mais pas trop, autrement tu seras une menace pour l’homme" ».
Comme cette féministe, Beyoncé s’indigne des inégalités homme/femmes. Elle confie à OUT que « Tu peux être une businesswoman, une mère, une artiste et une féministe, ce que tu veux, mais toujours être vue comme un objet de désir ». Objet de désir. Trois mots qui font douter du bien fondé de sa posture d'artiste féministe à toute épreuve.
Dans une vidéo promotionnelle pour son album BEYONCÉ, la femme de Jay-Z s’est justifiée « Je voulais montrer mon corps au monde entier. » Ça on l’avait compris. Gros plan sur son postérieur sur la couverture de son album visuel, lap dance dans ses clips vidéo, poses suggestives à outrance… depuis un moment, Beyoncé prône une image hyper-sexualisée de la femme. Une objectisation que la plupart des féministes combattent quotidiennement, comme le soulignait une journaliste de The Guardian, qui suite à la « Une » de QG sur laquelle Bey posait en culotte, titrait dans sa tribune « Beyoncé, te faire photographier en sous-vêtements n’aide pas le féminisme ». A l’instar de la plupart de ses collègues divas pop, Beyoncé semble surtout brouiller les frontières entre sexisme et féminisme.
A l’heure où les générations Y et Z sont habituées à afficher leur intimité sur les réseaux sociaux, est-ce vraiment un problème que Beyoncé affiche sa sexualité et sa sensualité ? Si elle dérange, n'est-ce pas plutôt parce qu'elle défie les codes du mouvement traditionnel, pour dessiner son féminisme à elle. Pour certains, il s’inscrit dans la lignée du féminisme pop lancé par Madonna à l'époque « Material Girl ». Pour d’autres, c’est même un progrès du black feminism car la chanteuse dépasse, par son assurance, le stéréotype de la sexualité noire animale, opposé à la sexualité blanche et civilisée. Son corps devient une arme politique. Et pourtant exposé tel quel pour que les pervers se rincent l’œil, il ne se résume plus qu'à une arme de vulgarité.
Mais exprimé de manière maladroite, le combat pour les femmes de Beyoncé ne ressemblerait-il pas finalement qu'à de la vantardise à fins purement commerciales. La pop star internationale a encore du chemin à faire pour crédibiliser son discours car, pour l'heure, elle s’apparente surtout à la provocante Miley Cyrus qui, ne l'oublions pas, se dit aussi féministe.
Priscillia Mudiaki
©DR/OUT