Pour la première fois de son histoire, l'Égypte a adopté, ce jeudi 5 juin, des mesures pénales visant à punir le harcèlement sexuel. Véritable fléau national, mis notamment en scène en 2010 par Mohammed Diab dans le film Les Femmes du bus 678, le harcèlement sexuel n'avait jusqu'à présent été que trop rarement sanctionné. C'est pourtant un problème endémique : selon un rapport de l'ONU paru l'an dernier, 99,3% des femmes égyptiennes interrogées ont déclaré avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel « sous quelque forme que ce soit », dans la rue, dans les transports en commun ou sur le lieu de travail.
Désormais, a annoncé hier le président sortant Adly Mansour, tout geste, parole ou acte inapproprié à caractère sexuel ou pornographique sera passible de six mois de prison et assorti d'une amende pécuniaire allant de 3 000 à 5 000 livres égyptiennes (entre 307 et 513 euros). Une sanction alourdie à 1 an de prison et 10 000 à 20 000 livres « si le harcèlement a pour but d'obtenir les faveurs de la victime », et à 5 ans de prison et 50 000 livres d'amende « si le couple a usé d'un ascendant familial, professionnel ou académique pour faire pression sur la victime ».
Si les militants se sont félicités que la présidence égyptienne prenne enfin conscience de la nécessité de punir le harcèlement sexuel, ils restent pour le moins réservés. Regrettant qu'aucun amendement ne punisse les agressions sexuelles en groupe, ils craignent également que les sanctions ne soient pas appliquées par les autorités. « Le plus gros problème est d'ordre culturel : la société égyptienne ne considère toujours pas le harcèlement sexuel comme un crime » déplore dans The Guardian Eba'a El-Tamimi, la porte-parole de l'association HarassMap, qui lutte contre le harcèlement. « Et les policiers ont souvent tendance à sympathiser avec les harceleurs, voire à harceler les femmes eux-mêmes. Même quand une femme parvient à se rendre au poste de police pour signaler un comportement abusif, elle rencontrera presque toujours de la résistance de la part des agents, qui vont tenter de la dissuader de porter plainte. »
Même constat du côté de Soraya Bahgat. La co-fondatrice de Tahrir Bodyguards, un groupe qui protège les femmes des agressions sexuelles durant les manifestations, estime que s'il s'agit là d'une « première étape » nécessaire, pourtant loin d'être suffisante. Soraya Bahgat craint notamment que les victimes de harcèlement ne puissent exercer un recours juridique si elles ne peuvent apporter la preuve de leur agression au commissariat.
>> L'Égypte est-il le pire pays arabe en matière de droits des femmes ? <<