« Ma soeur dit qu'elle ne veut plus quitter la maison tant que les criminels ne seront pas retrouvés », les déclarations de ce manifestant en disent long sur la psychose qui règne à Ispahan après que plusieurs femmes, au moins quatre, ont été attaquées à l'acide durant ces dernières semaines. Entre 2 000 et 3 000 personnes se sont rassemblés, mercredi 22 octobre, devant le palais de justice de cette ville du centre de l'Iran afin de réclamer davantage de sécurité et que justice soit faite pour les femmes. L'une des victimes, Soheila Jorkesh a perdu un oeil et attend une opération qui n'a que « 20% de chances » de réussir, fait savoir Le Monde, relayant des informations émanant de différents quotidiens iraniens.
Le rassemblement a été organisé via Facebook et Twitter, notamment par l'organisation de défense des droits des femmes My Stealthy Freedom (« Ma liberté furtive ») qui affirme que les victimes auraient été visées pour « non-respect du port du hijab », alors que le voile est obligatoire, dans les espaces publics, en République islamique d'Iran depuis la Révolution de 1979. Déjà, en septembre dernier, « un groupe islamiste baptisé Ansar-e-Hezbollah (« Les soutiens du parti de Dieu ») avait prévu de cibler les femmes qu'il n'estime pas assez respectueuses de la Charia », indique Paris Match, défiant ainsi le président Hassan Rohani et ses promesses de libertés accrues.
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— Aida Ghajar (@aidaghajar) 22 Octobre 2014
Si pour l'heure ces attaques n'ont pas été revendiquées, le vice-ministre de la justice, Gholam-Hossein Mohseni-Ejei, a formellement démenti la piste de l'Islam radical tout en promettant de réserver aux auteurs des faits, pas encore identifiés, « une peine qui découragera les autres criminels potentiels ». Les coupables encourent la peine de mort, selon la loi iranienne.
Ces attaques interviennent en plein débat sur un renforcement des contrôles du port du hijab. En effet, une centaine de manifestants, dont le prix Sakharov 2012, l'avocate Nasrin Sotoudeh, se sont également réunis mercredi dernier, devant le Parlement à Téhéran où les discussions autour d'une nouvelle loi se poursuivaient. Celle-ci vise à renforcer le pouvoir des Bassidjis, ces volontaires chargés du contrôle des « bonnes moeurs ».
Une loi qui dispose que « toute résistance, menace, insulte » contre les gens chargés de veiller à la chasteté et de lutter contre « la débauche » dans la société serait passible d'une condamnation à la prison ferme et à une amende. « Quant aux femmes "mal voilées", elles seraient d'abord obligées à assister à des cours sur les bonnes mœurs, et en cas de récidive, elles seraient condamnées à un million de tomans d'amende (250 euros) », fait savoir le blog Nouvelles d'Iran.
Le tollé suscité par les récentes attaques à l'acide est d'autant plus grand que celles-ci sont relativement peu répandues en Iran. 59 ont été signalées dans le pays entre 2001 et 2010, selon des informations fournies par France 24. Elles concernaient aussi bien des hommes que des femmes. Un chiffre qui place la République Islamique loin derrière des pays comme le Pakistan, l'Inde et l'Afghanistan, par exemple, où ces crimes odieux sont régulièrement perpétrés.