Société
Les femmes iraniennes s'émancipent grâce au surf
Publié le 17 février 2015 à 00:15
Par Charlotte Arce | Journaliste
Dans son documentaire « Into the Sea », la réalisatrice française Marion Poizeau filme l'émancipation des femmes iraniennes qui, en combinaison intégrale, prennent la vague pour échapper aux diktats de leur société. Une initiation au surf salvatrice et émancipatoire pour les Iraniennes, soumises encore et toujours aux lois de la République islamique.
Les femmes iraniennes s'émancipent grâce au surf Les femmes iraniennes s'émancipent grâce au surf© Marion Poizeau
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Une « incroyable aventure humaine ». C'est ainsi que la réalisatrice Marion Poizeau décrit son périple en Iran, où elle tente depuis cinq ans d'introduire le surf comme discipline sportive à part entière, mais aussi en faire une échappatoire pour les femmes, discriminées par la loi islamique. De son expérience, elle a tiré Into the Sea, un film documentaire de 52 minutes sélectionné l'an dernier au London Surf Film Festival, au Festival International du film documentaire Cinéma Verité de Téhéran, et disponible depuis décembre sur iTunes.

Originaire d'Hossegor, dans les Landes, Marion Poizeau s'est d'abord rendue en 2010 avec son amie irlandaise et quadruple championne de surf Easkey Britton dans la région sunnite du Baloutchistan, au Sud-Est de l'Iran, afin de voir s'il était possible pour les Iraniennes de prendre la vague sans risquer de s'attirer les foudres des autorités religieuses du pays. « Les religieux ont d'abord exigé que les femmes ne surfent pas avec les hommes, que la plage soit partagée. Mais l'océan ne fait pas de différenciation. La force de la vague nous a réunis. Et personne n'y a trouvé à redire », explique la jeune documentariste à TéléObs.

Surfer pour s'affranchir des barrières religieuses et culturelles

Grisée par son expérience de glisse sur les eaux de l'océan indien – la première pour une femme en Iran -, Marion Poizeau décide de repartir dans le Baloutchistan en septembre 2013. Cette fois-ci, la snowboardeuse Mona Seraji et la nageuse Shalha Yasini, toutes deux Iraniennes, se joignent à elle à et Easkey.

L'objectif ? Inciter les Iraniennes à faire tomber les tabous en les initiant au surf et en leur donnant la possibilité de partager leur passion. « Je ne voulais pas que nous soyons uniquement deux Occidentales à surfer et perçues avec des droits à part. Surfer à plusieurs et avec des Iraniennes allait forcément inciter d'autres femmes à s'y mettre », affirme Marion Poizeau. Sa démarche a payé. Dès leur arrivée, les quatre surfeuses ont été rejointes par d'autres femmes, mais aussi par des hommes. « Le côté ludique et fun de la discipline a opéré et nous avons été particulièrement bien reçues. Des hommes ont tenu à garantir notre sécurité. Je n'ai jamais connu un tel accueil ailleurs dans le monde », confie la réalisatrice.

Des autorités religieuses locales favorables

Quant aux autorités religieuses du Baloutchistan, elles se montrent contre tout attente favorables à ce que les femmes se jettent à l'eau. À une condition : que leur combinaison les couvre intégralement, tête comprise. « C'est une difficulté car la combinaison intégrale est de fait plus lourde et l'Océan Indien est à 30 degrés… Mais l'essentiel est de prendre la vague. Il y a ici un vrai potentiel et une grande sérénité », explique la documentariste, qui se refuse à faire d'Into the Sea un support pour « dénoncer la condition des femmes en Iran ». Au contraire, son documentaire se veut le moyen de « montrer comment le sport peut être un outil d'émancipation » en « favorisant les changements sociaux ».

La prochaine étape pour Marion Poizeau ? Permettre à davantage d'Iraniennes de prendre la vague en ouvrant sur place un atelier de fabrication de planches, puis d'une école de surf. « Le sport se développe aussi grâce à un groupe d'Iraniens, hommes et femmes, qui s'organisent pour mettre en place des cours et dans un futur proche, construire un bâtiment pour une école de surf. Nous avons créé le collectif We Surf In Iran pour cela. »

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