Linda Ben Osman : Depuis le départ du président Ben Ali, plus de 80 partis se sont créés en Tunisie, et les sondages montrent que 80% de la population peine à se décider pour l’un d’entre eux. Les candidats indépendants seront des personnes à qui la population locale fait confiance, ils parleront en leur nom et non en celui d’un parti. Par exemple dans ma ville, à La Marsa (nord-est de Tunis), une liste indépendante va se présenter, et sera composée de gens du voisinage. Actuellement des listes de ce type se créent un peu partout en Tunisie. Les candidats indépendants n’ont pas la logistique et la visibilité des partis, cette plateforme leur permet de s’exprimer, de se faire des contacts et d’échanger avec la population. Pour ma part je suis community manager, chargée de faire connaître « Afkar Mostakella » et faire vivre les candidats sur les réseaux sociaux.
L. B. O. : Tout d’abord nous n’avons pas une démarche de recrutement des candidats, nous tenons à ce qu’ils viennent à nous spontanément. Ils se présenteront ensuite à un comité qui veille au respect de notre liste de valeurs : transparence, démocratie participative, égalité et parité, liberté religieuse et attachement aux piliers de notre Révolution à savoir la liberté, la dignité et la justice. Les membres qui encadrent ce projet sur Internet ne seront pas candidats.
L. B. O. : Je faisais partie d’une association d’aide aux enfants défavorisés, mais je ne touchais pas vraiment à la politique. Comme tout le monde, je parlais et j’agissais en cachette. Après la Révolution, j’ai ressenti, comme la plupart des jeunes ici, un grand élan patriotique. Nous avons voulu créer un parti, mais face à la multitude de partis créés nous avons senti le flou et la confusion qui régnaient. Je pense que pour une élection d’Assemblée constituante, la logique partisane n’est pas appropriée. Les indépendants élus seront mieux placés pour décider des grands principes de notre Constitution, parce qu’ils pensent au bien du pays, lorsque les partis visent le pouvoir.
L. B. O. : C’est une question très importante. Les Tunisiens n’ont pas tous très bien accueilli cette mesure. En effet, chaque liste devra obligatoirement comporter autant de femmes que d’hommes et respecter l’alternance dans la hiérarchie de la liste. Certains n’ont tout simplement pas envie de voir des femmes au pouvoir, d’autres dénoncent le principe d’obligation et craignent que les femmes jouent les figurantes pour remplir des cases…
L. B. O. : Jusqu’au mois de décembre 2010, la Tunisie n’avait pas vraiment de vie politique. Nous connaissions quelques noms de chefs de partis politiques d’opposition, mais très mal les politiciens en général. Depuis la Révolution nous y prenons goût et des personnalités émergent chez les hommes comme chez les femmes, je pense à Maya Jribi, secrétaire nationale du PDP (Parti démocrate progressiste), ou à l’avocate féministe Bochra Bel Haj Hmida. Toutes les deux ont bien accueilli l’obligation de parité et se montrent très optimistes sur les candidatures féminines.
L. B. O. : Oui, la transition a été amorcée de la Révolution à la politique. Tous les partis ont leur page Facebook et un compte Twitter, et tout le monde sait que la campagne va se jouer là. Les candidats, et surtout les femmes, doivent se rendre visibles sur ces médias. On en parle au journal télévisé, des débats s’y tiennent en permanence. Les Tunisiens ont compris le principe de la démocratie participative, du moins sur la forme, nous verrons si cela s’applique sur le fond.
L. B. O. : Pour ma part je suis contre tout principe d’immunité des dirigeants, et j’estime que l’impunité doit être éliminée à tous les niveaux. En ce qui concerne les femmes, la Tunisie est un des pays les plus avancés dans ce domaine, l’enjeu est de consolider ces acquis. Dans les textes ils sont bien là, mais dans la rue ce n’est pas toujours le cas. L’éducation est obligatoire pour tous jusqu’à 16 ans, mais dans certaines régions les filles sont incitées à arrêter plus tôt ou à ne pas travailler pour se marier. On ne leur donne pas toujours leur chance. C’est une question de traditions familiales, et il faudra du temps pour changer vraiment les mentalités.
Crédit photo : Linda Ben Osman
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