C’est cet après-midi que le Sénat commence l’examen du projet de loi cadre sur l’égalité hommes-femmes. Au cœur de ce projet de texte, la réforme du congé parental portée par la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, qui a pour objectif d’instaurer six mois de partage obligatoire entre les parents et de plus impliquer les pères dans l'éducation de leurs enfants. À cette occasion, l’Ifop publiait ce lundi un sondage dévoilant que 89% des Français considèrent justement que ce serait une bonne chose de mieux partager le congé parental entre le père et la mère. Or ils sont une large majorité (56%) à estimer que les entreprises n’aident pas suffisamment les hommes qui souhaitent plus s’investir dans leur rôle de père. On assiste à une « revendication croissante des hommes pour trouver cet équilibre, cette conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle », souligne la ministre. Comment partager au mieux le temps de vie domestique, quand on sait qu’en 25 ans, le temps qui y est consacré par les hommes a seulement augmenté de l’ordre de 6 minutes par jour ?
Selon Najat Vallaud-Belkacem si les freins sont encore nombreux, beaucoup peuvent être levés dans le milieu professionnel. « Les hommes aussi pâtissent des normes masculines qui régissent l’entreprise », souligne-t-elle. Ce que confirme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales et co-auteure du rapport sur « le poids des normes masculines sur la vie professionnelle en entreprise », en parlant d’une « paternité dissuadée » pour les hommes. Heureusement selon elle, petit à petit l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est devenu central. « Ce qui crée un consensus plus fort aujourd’hui, ce sont les attentes et le discours : l’égalité est perçue comme un principe de transformation de l’entreprise fort », affirme-t-elle. Associations et entreprises prennent conscience de leur rôle à jouer dans l’égalité professionnelle et multiplient les initiatives en ce sens. Ainsi, l’association « Mercredi C papa » organise des cercles « Happy men », groupes de rencontres masculins dans l’entreprise dans lesquels les hommes prennent des engagements en faveur de l’égalité professionnelle. « Notre objectif est de leur montrer qu’ils sont gagnants en tant que pères et hommes en défendant l’égalité hommes femmes au travail », explique Antoine de Gabrielli, qui l’assure : les hommes aussi doivent « chercher à tout réussir ».
Du côté des entreprises, les choses changent aussi, petit à petit. Laurent Depond, directeur de la diversité chez Orange, rapporte avoir mené une réflexion sur la « paternité dans l’entreprise, son impact sur la carrière, l’équilibre entre vie pro et vie perso ». L’objectif ? Dépasser les stéréotypes qui veulent qu’ « un homme qui prend un temps partiel ne fait pas carrière », ou qu’un « homme qui prend un congé paternité passe pour un collaborateur désengagé ». « C’est un climat à faire évoluer pour aller dans le sens d’une plus grande égalité professionnelle », rapporte-t-il. Chez Bouygues construction, Didier Rabiti l’assure : « Tant que la parentalité restera un sujet de femmes, on n’avancera pas ». Parmi les clefs mises en place dans l’entreprise : « S’assurer que la communication autour de l’égalité professionnelle ne soit pas uniquement ciblée sur les femmes, il faut que les hommes se sentent concernés. » À la Poste, Sylvie Savignac chef de projet Mixité-Diversité insiste également : « Il faut veiller à ne pas stigmatiser la femme comme la personne qui présente un risque d’absence », au moment du recrutement notamment. Ce sur quoi rebondit Najat Vallaud-Belkacem en dénonçant l’« effet réputation » dont les femmes sont victimes : parce qu’elles sont « susceptibles de s’interrompre un jour pour leur maternité », on leur propose un salaire inférieur à celui d’un homme, ou elles n’ont pas accès aux mêmes promotions. Mieux partager le congé parental, c’est aussi envoyer ce message : les hommes peuvent consacrer du temps à leurs enfants tout en menant leur carrière de front. Reste à convaincre les 97% de papas qui jusque-là ont préféré laisser de côté leur droit au congé parental.
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