Il y a un an, la réalisatrice flamande Sofie Peeters frappait fort avec son documentaire Femme de la rue. « Chienne », « salope », « pétasse » : on y découvrait que dans certains quartiers de Bruxelles, les injures fleurissaient au passage des femmes, qui préféraient souvent changer d’itinéraire pour éviter de se faire insulter. Suite à la diffusion de ce film, Freddy Thielemans, le maire de Bruxelles, avait décidé de lutter plus vigoureusement contre le sexisme ordinaire, en rendant ces insultes passibles d’une amende comprise entre 75 et 250 euros. « Toute forme d’insulte est désormais punissable, qu’elle soit sexiste, raciste, homophobe ou autre », avait-il déclaré en septembre.
Le gouvernement avait également promis de répondre concrètement à ce harcèlement de rue. C’est désormais presque chose faite : Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des Chances, et Annemie Turtelboom, ministre de la Justice, ont présenté vendredi 12 juillet un projet de loi adopté en première lecture par le Conseil des ministres. L’objectif affiché de ce texte étant d’« enfin définir légalement le concept de sexisme et de le réprimer et, ainsi, de soutenir les victimes, souvent des femmes, et d’affirmer la liberté d’aller et de venir dans l’espace public ». Le texte, qui doit encore être finalisé, définit ainsi le sexisme comme : « tout geste ou comportement verbal ou autre, qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer comme inférieure ou de la réduire essentiellement à sa dimension sexuelle, ce qui porte une atteinte grave à sa dignité ». Il viendra en renfort de la loi « genre » du 10 mai 2007, qui a d’ores et déjà pour objectif de « lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes ».
Dans une interview au quotidien belge Le Soir, Joëlle Milquet s’est réjouie qu’au pénal le sexisme existe enfin « en tant que tel ». « Au niveau civil, le harcèlement était puni mais seulement dans le cadre du travail ou économique. On a donc étendu la portée juridique de la loi pour qu’elle englobe également le harcèlement sur la voie publique », souligne la ministre. « Il faut combattre (le sexisme) comme on combat le racisme ! C’est aussi pour cela qu’on a facilité la charge de la preuve. Maintenant, c’est la personne qui a tenu les propos discriminatoires qui doit prouver qu’elle n’en a pas tenu », a-t-elle précisé.
Quid de la pénalisation du sexisme en France ? « Depuis 2004 une loi existe qui pénalise les propos sexistes », rappelle Charlotte Soulary, porte-parole d’Osez le féminisme (OLF) !. « Mais, en plus d’être difficilement applicable, elle présente de nombreuses insuffisances, comme le fait que le délai de prescription soit de 3 mois, contre 1 an pour des propos racistes par exemple ». Et l’association féministe reste dubitative quant à l’efficience d’une loi contre le sexisme : si « légiférer est un axe à suivre, cela doit être accompagné de vraies politiques d’éducation à l’égalité entre hommes et femmes ». « Pénaliser le sexisme ordinaire est une chose, mais pour changer les regards et les comportements, il faut s’attaquer au problème de façon beaucoup plus globale », estime Charlotte Soulary. Parmi les mesures demandées par les féministes, on compte notamment l’éducation à l’égalité hommes-femmes dès le plus jeune âge, ou encore une « vraie régulation de la publicité, qui joue un rôle prépondérant dans le développement du sexisme ordinaire » en véhiculant une certaine image de la femme. Si ce n’est pour l’heure pas à l’ordre du jour, Charlotte Soulary reconnaît que certaines choses « commencent à avancer », notamment grâce au projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes présenté par Najat Vallaud-Belkacem.
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