Attaqué par la droite et désavoué par une partie de la gauche, le groupe d'activistes Femen est-il menacé d'implosion ? Alors que des députés UMP, emmenés par l'élue UMP des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer, ont demandé à Manuel Valls de retirer de la circulation le timbre à l'effigie de leur leader Inna Shevchenko, le témoignage d'une ancienne militante publié ce mardi dans Le Figaro met un peu plus en lumière les dysfonctionnements du groupe d'activistes.
Ce témoignage est celui d'Alice, une ex-Femen dont le prénom a été modifié par la rédaction du quotidien. Pendant un an et demi, cette trentenaire parisienne a fait partie du mouvement féministe, a participé à certaines de leurs actions coup de poing, notamment celle à la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris. Pourtant, tout juste un an plus tard, Alice ne cache pas sa profonde « déception » du mouvement Femen, désenchantée par sa « désorganisation » et la « discrimination » induite par son mode de fonctionnement.
Avant d'entreprendre l'écriture prochaine d'un livre sur le sujet, Alice a notamment raconté au Figaro l'embrigadement et la déshumanisation des jeunes recrues, traitées par les chefs de bande « comme de la chair à canon ». « Tu n'existes plus en tant qu'individu », raconte-t-elle. « Tu ne penses plus par toi-même mais par le groupe, tu ingurgites ce qu'on t'apprend […] On se sent comme aspirée naturellement, sans violence, vers un total lâcher-prise vis-à-vis du groupe et de la volonté à l'esprit critique […] Et celles qui s'expriment un peu trop ne tarderont pas à quitter "de leur plein gré" le mouvement. »
Surtout, Alice accuse Femen de ne pas appliquer les principes d'égalité pour lesquels le groupe se bat : « Tu acceptes lentement une soumission que tu refuses à l'extérieur, analyse-t-elle. Tu étais venue pour combattre quoi déjà ? Ah oui ! La soumission des femmes sous couvert de patriarcat. Et tu gagnes quoi ? Le droit de te dire le soir quand tu rentres chez toi seule, que tu t'es battue pour une liberté à laquelle tu n'as toi-même pas droit ».
Malgré son investissement total au sein des Femen, Alice souligne le manque de cohésion et de confiance entre les militantes. « Apprendre qu'une action vient d'être faite par Facebook ou BFM, c'est un peu chiant quand on s'investit à hauteur de dévotion », raconte-t-elle.
Si le témoignage d'Alice n'est pas sans rappeler celui d'Amina Sboui, la Femen tunisienne qui avait claqué la porte du mouvement en août dernier après avoir dénoncé son financement « douteux » et ses dérives « islamophobes », il apporte irrémédiablement de l'eau au moulin des détracteurs des Femen. Parmi lesquels le député UMP du Rhône Georges Fenech qui a demandé ce lundi à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) de « dissoudre l'association Femen, loi 1901 ». L'élu accuse notamment le « groupuscule d'origine ukrainienne » d'avoir recours à des « pratiques à caractères sectaires ». Et de citer la « profanation de lieux de culte », le « discours anti-social », les « menaces contre nos institutions et dégradation de biens », pour lesquelles les Femen sont actuellement poursuivies.
De son côté, si l'ancienne Femen Alice se décrit comme une « déçue » du mouvement, elle se refuse à renier ses actions au sein du mouvement féministe, ou l'idéologie prônée par Femen.