Les habituées du Forum ont reconnu la fine pluie normande en arrivant mercredi après-midi à Deauville. Mais la météo n’a pas voix au chapitre dans le planning des 1 300 participantes de cette édition, car elles passeront le plus clair de leur temps à écouter les débats de plénières, à participer aux ateliers « break out » ou à débriefer dans les espaces de networking.
C’est Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix iranien, qui engage la discussion, dans une première session qui questionne les défis à relever pour les droits des femmes au XXIe siècle. Elle avait fait sensation l’année dernière en intervenant sur le Printemps arabe, et elle revient à la charge cette année pour dénoncer les atteintes au droit à l’éducation des filles. Un plaidoyer bienvenu à la veille de la première Journée internationale pour les filles créée par l’ONU : « Les intégristes musulmans, je pense notamment aux talibans en Afghanistan, visent en priorité les écoles de filles, parce qu’ils savent que les femmes éduquées s’opposent au sexisme et aux discriminations, et que ce serait alors le début de la démocratie ».
Shirin Ebadi poursuit devant une assemblée absorbée en invoquant l’histoire de Malala, cette Pakistanaise de 14 ans visée par les talibans d’une balle dans la tête à cause d’une campagne lancée contre la fermeture des écoles de filles. « A 11 ans, cette petite fille s’est opposée seule avec son blog aux talibans, elle a été récompensée par le gouvernement pakistanais pour son courage, elle est aujourd’hui à l’hôpital… » En sortie de séance, l’histoire et le prénom de Malala sont sur toutes les bouches.
Un Prix Nobel de la Paix en cache un autre. Leymah Gbowee, libérienne, fut à l’origine du mouvement de femmes qui mit fin à la guerre civile de son pays. Elle raconte son adolescence dans « une guerre menée contre le corps des femmes ». Pour elle qui s’est immiscée dans le cercle très masculin des négociations de paix, des « discussions où il n’était question que d’argent et de qui récupérerait le pactole », ça ne fait aucun doute : « les femmes sont plus qualifiées dans le domaine de la construction de la paix ». Après avoir éprouvé toutes les méthodes possibles pour exiger la paix, elle raconte la grève du sexe engagée en 2011 par ses compatriotes. Pas forcément efficace, mais « formidable outil de médiatisation ».
La meneuse n’a pas la langue dans sa poche et en profite pour lancer un appel à un engagement fort de la part du Women’s Forum pour « développer l’éducation primaire et secondaire des filles ». Et pour les jeunes filles qui étudient, dessiner la possibilité d’une transition, « elles ont besoin de liens, de mentors, et de réseaux », et de conclure que « c’est pour cela qu’on vient à Deauville, pour que ces jeunes filles marchent dans nos pas ».
Particulièrement attendue et débarquée en fin de journée, Najat Vallaud-Belkacem s’est lancée sur l’égalité professionnelle, invoquant la nécessité d’une « révolution copernicienne ». Son accroche, percutante et plutôt lucide, dressait le portrait de la femme de 30 ans, salariée, qui entend ses proches lui demander si « le bébé est pour bientôt », et qui entend son chef le lendemain matin lui expliquer que ce n’est peut-être pas le moment de lâcher la pression. « Est-ce que les femmes doivent choisir ? », interroge la ministre. La réponse est évidente : repenser la répartition des temps professionnels et personnels entre hommes et femmes, et œuvrer pour la parité sans enfermer les femmes dans des cases ou des rôles prédéfinis, puisqu’après tout elles veulent « tout faire ». Najat Vallaud-Belkacem, décidément très populaire, s’est ensuite pliée à l’exercice de la conférence de presse, mais perchée sur un bord de table, et entre femmes.
Voir la vidéo bilan du premier jour du Women's Forum
Women’s Forum 2012 : Najat Vallaud-Belkacem ouvrira le bal
Véronique Morali prend la tête du Women’s Forum
Le Women’s Forum reçoit Aung San Suu Kyi en privé