Agneau au cidre et aux pommes, hamburger au foie gras, tendron de veau à la provençale : dans son dernier livre de recettes " Morceaux choisis ", le boucher star et passionné Hugo Desnoyer fait monter l'eau à la bouche avec une sélection gourmande de plats mitonnés et mijotés... à base de viande. Car, n'en déplaisent aux végétariens et adeptes de tofu, la barbaque fait son grand retour sur le devant de la table. Portée par des amoureux des bonnes choses mais aussi par une nouvelle génération de chefs, cette tendance se traduit sur les plus grandes tables comme dans la cuisine de la ménagère gastronome. " Cela fait un petit moment qu'on observe ce retour en grâce de la bonne viande ", confirme Anne-Claire Paré, experte en marketing de la restauration. " Depuis les crises alimentaires de 2002-2003, les consommateurs ont peu à peu appris à faire attention à la qualité et aux notions de traçabilité, d'élevage en plein air, de races... " De la viande, oui, mais de la bonne. C'est sur ce créneau que s'est d'ailleurs positionnée la jeune société " Les colis du boucher ", fondée par Melchior et Maxence de Warren, les deux frères, et Guy de Plas, le beau-frère. Le concept ? Une livraison à domicile de morceaux choisis provenant d'éleveurs de qualité, généralement bio, qui proposent toujours des bêtes " élevées selon les méthodes traditionnelles au rythme de la nature ". Une idée qui a germé il y a deux ans autour d'un rôti dominical : " pendant le déjeuner, la conversation a abordé le concept des paniers AMAP, qui livrent à domicile des bons légumes du terroir ", raconte Maxence. La question surgit alors : pourquoi ne pas appliquer ce principe à la viande ? Un site web plus tard, le trio régale aujourd'hui 200 clients par semaine avec ses bons colis de boeuf, veau, volaille et autres charcuteries.
Maxence livre lui-même ses clients et a été étonné de voir que loin de l'image du Gaulois " bon-vivant " à la bedaine bien installée que l'on pouvait se faire de l'amateur de viande, la figure du carnivore moderne est toute autre. " Nos clients sont plutôt des femmes fin gourmet, qui aiment cuisiner, découvrir de nouveaux produits et qui accordent une grande importance à la qualité. On a d'ailleurs avec elles de vraies conversations de gastronomes, autour du plaisir d'une belle viande... ", se réjouit-il. Pas étonnant selon Anne-Claire Paré : " Les femmes ont compris qu'un bon morceau de viande n'était pas incompatible avec un régime équilibré, bien au contraire ", souligne-t-elle. Autre surprise du côté des Colis du Boucher, les meilleures ventes ne concernent pas les produits auxquels on pouvait logiquement s'attendre. Adieu donc entrecôtes et onglets de boeuf, et bonjour blanc de poulet, escalopes et blanquette de veau. Des pièces propices aux recettes " qui mijotent ". " Toutes les recettes réconfortantes de grand-mère sont dans l'air du temps. Les plats en sauce, les ragoûts : ces recettes font leur grand retour sur les cartes des restaurants et dans les cuisines ", remarque en effet Anne-Claire Paré. Une tendance aux accents régressifs par laquelle nos assiettes répondent à la crise et qui a vu le jour avec le mouvement des " gastro pubs " en Grande-Bretagne, dès le début des années 2000.
En parallèle s'est développé le courant " from nose to tail ", une tendance du " non au gaspillage ". Lancée par deux institutions anglo-saxonnes, le St. John à Londres avec le chef Fergus Anderson et le Breslin à New York avec la chef April Bloomfield, qui consiste entre autres à manger moins de viande, et tuer moins d'animaux. Donc on cuisine et on mange tout : abats, tripes, charcuterie, " tout est bon dans le cochon ". Ce que confirme Alice Quillet, chef du BAL Café à Paris, qui a mis un point d'honneur à remettre au goût du jour la triperie, " une tradition parisienne à l'origine ". Avec sa co-chef, la britannique Anna Trattles, qui a fait ses classes au St. John, elle " essaie tout ". " On n'a peur de rien : oreilles, pieds, foie... Nos clients sont souvent très surpris, mais quand ils jouent le jeu, ils font de belles découvertes ", sourit-elle. Parmi les produits phares qui attirent les amateurs, Alice énumère la queue de boeuf, la tête de cochon ou encore le collier d'agneau servi avec ses rognons qui ont leur petit succès. Une tendance que l'on retrouve chez la nouvelle garde des restaurants parisiens, comme au Dauphin dans le XIe arrondissement ou Au Passage, dont le chef James Edouard Henry est australien. " C'est comme un retour aux sources, une nouvelle façon de cuisiner la viande, dans la lignée du travail des produits plus bruts chez la jeune gastronomie parisienne. On laisse parler le produit ", explique Alice Quillet.
Reste que les plus frileux que les abats rebutent pourront toujours opter pour un bon burger, le nouveau luxe des carnivores. " Le burger est véritablement monté en gamme, passant d'un produit de commodité pour devenir un plat raffiné ", commente Anne-Claire Paré. Dernier exemple en date : l'ouverture de Blend à Paris, le restaurant des burgers gourmets, fourni en viande par le très médiatique et prestigieux boucher Yves-Marie Le Bourdonnec. Ou comment s'offrir pour 10 euros une bouchée de luxe culinaire. " La viande a de beaux jours devant elle ", prévoit Anne-Claire Paré. Nos estomacs veulent bien la croire.
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