Yael Mellul : Le harcèlement sexuel est défini très clairement par le Code pénal à l’article 222-33 par le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles. On le trouve également dans le Code du travail (article L.1153-1) comme « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ». Ce délit existe en France depuis 1992 (depuis les années 70 aux Etats-Unis). C’est la jurisprudence qui a précisé ses éléments constitutifs : des agissements, des ordres, des pressions dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles. Pour prouver ce délit, l’avocat doit réunir un faisceau d’indices concordants. Il peut s’agir de manifestations physiques (attouchements) ou verbales (propos tendancieux, menace, chantage). Par définition, le harcèlement comme les violences se passent dans le huis clos. Pour prouver le harcèlement, on doit par exemple montrer des mails, des messages, des textos. Quand le harcèlement s’exerce dans le cadre du travail, c’est plus compliqué car il y a un rapport hiérarchique, de domination. Mais dans tous les cas, on doit pouvoir démontrer la menace, le caractère lourd et répétitif des actes.
La différence entre harcèlement et séduction est que dans le premier cas on ne recherche pas le consentement de l’autre, on agit contre sa volonté en considérant la personne comme un objet.
Y.M. : Si les attouchements se font sur des zones sexuelles (les fesses, les seins), alors très clairement, on est dans le cas de l’agression. La frontière est mince : poser la main sur la tête, sur l’épaule de quelqu’un, même si ce geste est accompagné de propos déplacés, n’est pas une agression sexuelle. Pour prouver, ce sera toujours la parole de l’un contre la parole de l’autre. C’est ce qui fait la complexité de ces affaires. On monte en gravité avec le viol qui impose qu’il y ait eu pénétration.
Y.M. : Absolument pas, il y a encore un gros travail de formation à faire sur les magistrats. Ils ne sont absolument pas formés aux violences et aux maltraitances faites sur les femmes. Il y a encore une réticence extrêmement forte sur ces affaires. Certains policiers refusent purement et simplement les plaintes. Je pense qu’il faudrait organiser un grand débat sur le statut de la femme et inscrire l’égalité homme-femme dans la Constitution. Ce sont les mentalités qui doivent évoluer. Pour certains, c’est encore facile de considérer les femmes comme des objets. Néanmoins, la France est aussi en avance dans certains domaines, elle est le premier pays à avoir créé le délit de violence psychologique.
Y.M. : Ce qui me tient à cœur, c’est le respect de la présomption d’innocence. On voit avec l’affaire DSK, Tron, et maintenant les révélations de Luc Ferry que ce principe a été allègrement violé. Cette médiatisation avant l’enquête est extrêmement dangereuse pour la démocratie. Il y a la défense des victimes et la présomption d’innocence. Si dans ces affaires les faits sont avérés, je prendrai bien évidemment une position plus radicale. Mais ce n’est pas encore le cas. Je me suis mise à l’écart de toutes les pétitions et manifestations des associations féministes. J’estime qu’instrumentaliser ces affaires pour défendre le statut de la femme n’est pas une bonne solution. On n’a pas besoin de bafouer un principe pour en consacrer un autre. La noble cause des femmes n’a pas besoin de ça, au contraire, cela la dessert. En tant qu’avocate et humaniste, je préfère laisser faire la justice.
Une loi pour lutter contre la violence psychologique