Céline Antonin : La Grèce va émettre une nouvelle monnaie, très probablement une nouvelle drachme, qui sera fortement dépréciée par rapport à l’euro. La première conséquence sera une inflation très forte, d’autant plus que la Grèce est un pays qui importe plus qu’il n’exporte. De même, cette nouvelle monnaie pourrait conduire à un alourdissement du poids de la dette à rembourser, qui est libellée en euros. Par ailleurs, les acteurs économiques de la Grèce vont subir de plein fouet les effets de cette sortie de l’euro : l’inflation va fortement réduire le pouvoir d’achat des ménages et mettre en difficulté les entreprises, financières comme les banques et non financières. Ce qui mènera à des baisses des salaires, une hausse des prix, des licenciements... Par ailleurs, la Grèce court un risque d’affaiblissement de ses banques en cas de mouvement de panique de la part des Grecs qui entraînerait une fuite des dépôts. Bref, un scénario qui ressemble fortement à ce que vit le pays actuellement, mais en plus noir.
C.A. : En cas de défaut de paiement de la Grèce, c’est sur les Etats de la zone euro que cela rejaillira directement. Ils sont en effet les principaux actionnaires des plans d’aide à la Grèce à travers un premier plan de 80 milliards d’euros en 2010 et un second via le FESF ((Fonds européen de stabilité financière) mais détiennent également de la dette publique grecque via les engagements de la Banque centrale européenne qui a racheté des obligations souveraines grecques. Or, il paraît difficile d’imaginer qu’une sortie de l’euro de la Grèce ne s’accompagne pas au moins d’un défaut de paiement partiel du pays : ce serait alors aux Etats de renflouer les caisses.
C.A. : Cela représenterait près de 310 milliards d’euros. A savoir les 50 milliards restants des 80 milliards d’aide votés par le premier plan d’aide, les 110 millions d’euros restant du second plan d’aide ainsi que l’exposition à la dette de la BCE qui avoisine les 150 milliards d’euros. C’est ce que cela couterait en l’état actuel des plans d’aide si la Grèce ne remboursait aucune des aides reçues. Reste que ceci est un scénario extrême, où l’on considère que les titres portés par la BCE ne valent rien.
C.A. : Selon ce même calcul, l’addition pour la France s’élèverait à environ 65 milliards d’euros, payés par l’Etat, donc le contribuable. Quant au coût pour les banques françaises, si ces dernières voient leur exposition à la dette grecque réduite grâce à l’accord PSI (Private sector involvement) (ndlr : accord signé en février entre les représentants officiels de la Grèce et les membres du comité des créanciers privés), la facture resterait salée : elles détiennent plus de 37 milliards d’euros, soit 60% de l'exposition totale des banques européennes.
C.A. : Alors, les deux plans d’aide continueraient à s’appliquer, avec encore 25 milliards d’euros à verser pour le premier et près de 70 milliards pour le second. On augmenterait ainsi l’exposition des Etats à la Grèce. Pour la suite, tout va dépendre de la capacité de la Grèce à former un gouvernement et à respecter les conditions posées par ses prêteurs. Si le déficit continue à se creuser, il faudra alors songer à un troisième plan de renflouement, une option dont le bienfondé est interrogé par l’Europe : faut-il continuer de renflouer alors que le pays est en pleine récession ? Quant à savoir lequel des deux scénarios est le plus probable, pour l’instant il est difficile de le dire. Une sortie de l’euro aurait des conséquences dramatiques pour la Grèce. Pour la France, une telle option resterait encaissable, même si, alors que l’on tente de réduire les déficits, ce ne serait évidemment pas une bonne nouvelle. Pour la zone euro, en terme politique, ce serait un échec et un signal négatif à envoyer aux investisseurs. Reste que le risque de contagion est à relativiser : la crise grecque tient pour beaucoup à des spécificités du pays, à des problèmes structurels. Ce sera donc aux Grecs de décider de la voie à suivre lors des prochaines échéances électorales.
*Observatoire français des conjonctures économiques
Crédit photo : AFP/Conférence de presse à Berlin le 21 mai 2012 à l'issue de la rencontre entre les ministres des Finances allemand Schäuble (g) et français Moscovici
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