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Karine Berger et Valérie Rabault : « Les Trente Glorieuses sont devant nous »
Publié le 23 mars 2011 à 14:00
Par Marine Deffrennes
Deux économistes trentenaires surdiplômées ont décidé de voir l’Economie en rose. Dans « Les Trente Glorieuses sont devant nous » (Editions rue Fromentin), Karine Berger et Valérie Rabault élaborent un business plan audacieux qui repose sur le génie industriel et scientifique français. Un vent d'optimisme rafraîchissant qui pourrait inspirer les candidats de 2012. Entretien.
Karine Berger et Valérie Rabault : « Les Trente Glorieuses sont devant nous » Karine Berger et Valérie Rabault : « Les Trente Glorieuses sont devant nous »© Jean-Loup de Sauverzac
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Karine Berger (à gauche sur la photo), 37 ans, est ancienne élève de l’Ecole Polytechnique, de l’ENSAE, de Sciences-Po et de l’Université de Droit Paris II. Economiste renommée, elle intervient régulièrement dans le « Club de l’économie » de LCI et sur BFM Business.

Valérie Rabault, 37 ans, est diplômée de l’Ecole des Ponts et Chaussées. Elle travaille en banque et a été distinguée par Financial News parmi les 100 femmes les plus influentes de la finance européenne.

Terrafemina : « Les Trente Glorieuses sont devant nous ». Pourquoi cette profession de foi optimiste ?

Karine Berger : Nous sommes parties d’un constat assez simple qui est que la France se complaît dans son pessimisme, dans son blues. On a l’impression que tout ce que nous faisons nous le faisons mal, en tout cas plus mal que les autres, et que la réussite n’appartient qu’aux Allemands, aux Américains ou aux Anglais, mais jamais aux Français.
Pourtant la France est la 5ème puissance économique mondiale : des entreprises leaders dans leur secteur –je pense à Airbus -, des PME impressionnantes de résistance… C’est un système qui a très bien fonctionné pendant les premières trente glorieuses, de 1945 à 1975. Notre démarche, c’est de dire : « Et si on renouait avec ce qui a fonctionné jusqu’à présent ? » D’où l’idée des ces trente glorieuses d’après, celles des trente prochaines années.

TF : Sur quoi repose votre business plan pour la France à l’horizon 2040 ?

K. B. : La première idée importante, c’est cette notion de « business plan » pour la France. Notre pays a un peu oublié que pour que les politiques économiques fonctionnent, il faut se donner des objectifs. Dans une entreprise, c’est ce qu’on fait : on sait où on va, on investit et on calcule la rentabilité de cet investissement. Pour nous la politique économique de la France doit suivre la même démarche.
Ce business plan évidemment s’imagine à grande échelle : il porte sur 90 milliards d’euros d’investissement, et se concentre sur plusieurs priorités. Des priorités sociales - l’éducation, l’aménagement du territoire-, et sectorielles. En effet nous pensons qu’une grande partie des investissements doivent être portés sur trois secteurs privilégiés : les transports, l’énergie, et la santé.

TF : Pourquoi ces trois domaines en particulier ?

K. B. : Parce qu’historiquement la France a des atouts dans ces secteurs : elle a été capable d’innover et de développer de grands groupes (dans la santé avec Sanofi, dans l’énergie avec GDF ou dans l’aérien avec EADS). Mais elle est en perte de vitesse, car elle a arrêté d’investir dans ces grands secteurs industriels. Donc nous disons simplement : commençons par ce que l’on sait faire, c’est là qu’il faut mettre de l’argent.

TF : Vous misez sur la recherche et l’innovation pour relancer notre industrie, mais aussi remédier au coût de la dépendance. Pouvez-vous nous expliquer ?

Valérie Rabault : Nous considérons que la France a de sacrés atouts en science. Pour mémoire, nous avons la deuxième école de mathématiques au monde derrière les Etats-Unis. C’est un vivier de richesse intellectuelle que nous devons exploiter, pour faire des médicaments, des biotechnologies, de la recherche, en physique par exemple pour inventer le nouveau moteur permettant de consommer 2L aux 100 Km ! Et évidemment pour l’énergie. C’est là-dessus que nous voulons miser pour orienter les recherches de demain.

TF : Vous louez le fameux « modèle français », comment le définissez-vous ?

K. B. : Le modèle économique et social de la France est un peu plus compliqué que le modèle anglo-saxon ou allemand. Il repose sur 3 piliers : tout d’abord la prise de risque. Elle est nécessaire à tout développement économique, mais en France cette prise de risque est historiquement portée par le public et le privé, partagée entre l’Etat et les entreprises. L’Etat est l’étincelle qui porte les grands investissements industriels sur 10 ou 15 ans, et les entreprises privées sont emportées dans la dynamique créée par l’Etat. Le deuxième pilier c’est l’égalité, c’est-à-dire la cohésion sociale et la participation individuelle à la prospérité. Cela passe par l’éducation, et par le fait que chacun a une chance de s’en sortir grâce à l’école et de gagner de l’argent pour contribuer à cette prospérité. Quand on invente Airbus en France tout le monde y trouve son compte d’une certaine façon. Enfin le troisième pilier est l’ouverture au monde, passée par la construction européenne, l’acceptation d’une immigration pendant des années. C’est un élément clé car cela crée la capacité à se rénover et à vivre tous ensemble sur le même territoire.

TF : Quel candidat à la présidentielle de 2012 pourrait porter votre projet ?

V. R. : Nous serions ravies qu’un certain nombre de points ou de pans entiers du projet soient repris ou au moins débattus. Mais ce que nous souhaiterions dans le cadre de la candidature à la présidentielle c’est qu’on se pose vraiment la question de l’objectif économique. Quel avenir économique veut-on construire pour la France pour les trente prochaines années ? Quand un investisseur américain vous demande « Quelle est la politique économique de la France ? », parfois on reste surpris par la question et on peine à trouver la réponse. Ce livre cherche à apporter une petite pierre à l’édifice pour l’échéance de 2012.

Karine Berger, Valérie Rabault, « Les Trente Glorieuses sont devant nous », (Editions rue fromentin), 20 euros.

Photo : copyright Jean-Loup de Sauverzac

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